Le télétravail est-ce une solution de développement durable pour observer un vrai impact environnemental ?

Par Fabrice AllegoetLe 29 décembre 2023
solution de développement durable

À l’heure de l’urgence climatique, réduire la mobilité des salariés, s’observe comme une solution de développement durable. En effet, le télétravail permet de réduire les trajets domicile-travail. Il agit ainsi sur l’impact de la mobilité (moyens de transport) par rapport à l’environnement. Cependant, il faut tenir compte d’autres éléments pour apprécier l’impact du télétravail sur l’environnement. Ce sont les fameux effets rebonds pouvant être positifs comme négatifs.

Bilan du télétravail par rapport aux trajets domicile-travail et l’impact sur l’environnement

Il convient d’envisager le bilan du télétravail et des trajets domicile-travail par rapport à l’environnement. Cela avant de décréter le télétravail comme une solution de développement durable.

Quel est le bilan environnemental du télétravail ?

Pour déterminer si le télétravail a un réel impact positif ou négatif sur l’environnement, il faut mesurer les gains d’énergie réalisés dans les transports ainsi que les bureaux, auxquels s’ajoutent d’éventuels effets rebonds. Par exemple, la consommation d’énergie au domicile des télétravailleurs. Selon une étude de l’ADEME et de l’Institut français pour la performance du Bâtiment, dans une période comprise entre novembre 2022 et mars 2023, une expérimentation de cinq mois sur environ 100 télétravailleurs et 10 bâtiments répartis en France (zone urbaine, péri-urbaine), le télétravail a permis de tirer des résultats positifs sur l’environnement : entre 20 et 30 % d’économie d’énergie réalisée en cas de fermeture d’un site sur une journée.

L’effet rebond au niveau des logements a été considéré comme étant très faible, seulement 1,4kWh pour un télétravailleur sur une journée de travail contre 20 à 40 kWh pour une consommation journalière moyenne d’un foyer. Peut-être est-il trop tôt pour parler d’une solution de développement durable ?

Cet effet rebond, perçu comme faible entre 3,5 et 7 % encourage l’expérimentation à se poursuivre afin de se concentrer principalement sur les logements. Attention toutefois, cette étude est à titre expérimental, elle ne prend pas en compte les autres effets rebonds qui existent, et a été effectuée pour un petit nombre de personnes et de bâtiments. Si l’on se réfère à une étude de l’ADEME datant de 2020, bien avant celle-ci, les choses sont plus complexes. L’on peut observer à la fois des avantages et inconvénients, pour ainsi dire, il existe des scénarios catastrophiques comme idylliques, en fonction des effets rebonds. Il faut parvenir à analyser la balance environnementale du télétravail en tenant compte de tous ces effets rebonds. Depuis plus de 25 ans, les études menées sur le télétravail ont quand même permis de considérer que celui-ci a des bénéfices sur l’environnement.

Toutefois, parce que l’on ne peut faire abstraction des effets rebonds négatifs, il convient de les limiter en prenant des mesures adéquates.

Quel est le bilan environnemental des trajets domicile-travail ?

S’il est vrai que les déplacements domicile-travail et études représentent que 4 % des émissions de GES, cela reste un enjeu de développement durable auquel il faut apporter des solutions. Hormis des modes de déplacement plus économes, le télétravail entre aussi en ligne de mire.

Le télétravail oui, mais pas uniquement…

Pour intensifier l’impact du télétravail sur l’environnement, l’étude des effets rebond de l’ADEME réalisé par Greenworking met en évidence que les avantages environnementaux du télétravail peuvent être renforcés par l’adoption de politiques publiques complémentaires, qui encouragent des mobilités actives à proximité du domicile et décourageant les déplacements longs, polluants.

Autrement dit, quand l’on examine les conséquences indirectes du télétravail, l’on constate que les avantages environnementaux peuvent être amplifiés par des mesures complémentaires établies par les pouvoirs publics.

Ces mesures visent à encourager les salariés à utiliser des modes de transports actifs comme la marche, le vélo, pour se déplacer près du domicile. En parallèle, réduire les trajets plus longs, polluants, en termes d’émissions de CO2 afin de maximiser les bénéfices environnementaux du télétravail. Avec la crise sanitaire, l’on a pu constater une sensible baisse des émissions de GES dû à la réduction du nombre de kilomètres parcourus en raison du télétravail.

Les effets rebonds du télétravail sonnent-ils comme une solution de développement durable ?

Il faut analyser les effets rebonds positifs et négatifs, puis les solutions pour permettre au télétravail d’avoir des conséquences positives sur l’environnement.

Les effets rebonds positifs du télétravail, une solution de développement durable

D’abord l’effet principal du télétravail sur l’environnement :

L’effet principal ou direct modal, autrement dit, les impacts environnementaux liés aux trajets réguliers domicile-travail, représentent 57 % des émissions en lien avec la mobilité locale du lundi au vendredi selon l’ADEME.

Le télétravail permettrait de réduire de 30 % ces impacts.

🕵️ Effets rebonds directs

Les trajets complexes nécessitant plusieurs arrêts, les longs trajets, favorisent le recours à la voiture. À l’inverse, le télétravail permettrait de considérer des mobilités actives, et même le recours aux transports en commun.

🏠 Effet logement

Il confère l’étude expérimentale de l’ADEME et l’IFPEB sur l’effet rebond faible d’un travail à domicile s’agissant de la consommation d’énergie, réalisée durant la période de novembre 2022 à mars 2023.

🏢 Effet bureau à la demande (BOD)

Cela a un effet positif sur l’immobilier de l’entreprise avec l’optimisation des coûts immobiliers (cela évite de louer des bureaux vacants), la diminution de l’impact environnemental des bâtiments,…

🚘 Effet congestion routière

Le télétravail permettrait de résoudre les problèmes liés aux embouteillages qui ne sont pas sans conséquences sur les émissions de GES, et serait très utile en ville.

🕙 Effet flexibilité horaire

Le télétravail permet aussi une liberté d’organisation dans son travail notamment pour les cadres. Le morcellement du temps de travail y est favorisé. Commencer tôt, faire une pause et reprendre parfois beaucoup plus tard. Cette liberté permet d’optimiser leurs horaires de départ et d’arrivée. Cela permet d’étaler les migrations pendulaires à l’échelle macroscopique (éviter que tous les salariés aient à se déplacer au même moment/mêmes heures de pointe) ; réduire la congestion routière, optimiser l’usage des infrastructures de transport et réduire les émissions de GES (provenant des véhicules…), par ricochet.

Il existe d’autres effets rebonds positifs comme les gains du pouvoir d’achat, les économies réalisées sur le transport peuvent être utilisées ailleurs.

Il y a également l’effet dématérialisation de l’entreprise, qui a montré que l’usage du papier, des impressions dans ces conditions est très rare, ce qui est d’autant plus positif pour l’environnement.

Les effets rebonds négatifs du télétravail

✍️ Effet nouvelles mobilités quotidiennes (NMQ) avec le télétravail

S’il est vrai que le véhicule n’est pas utilisé pour aller au travail, l’on s’en sert pour autre chose. Par exemple, si l’on est en couple, et que l’un des deux, continue de se rendre au travail, il peut être utilisé par ce dernier ou d’autres membres du foyer. Cela implique aussi de nouveaux déplacements : transport d’un proche, micro-shopping… En cela, cet effet rebond est négatif pour le télétravail.

⚠️ Effet relocalisation (REL)

Cela peut entraîner des changements au niveau du mode de vie et lieu de vie, ce qui impliquerait de nouveaux déplacements pesant dans la balance environnementale (par exemple un trajet en avion Nice-Toulouse viendrait à annihiler le bénéfice du télétravail).

👨‍💻 Effet visioconférence

La consommation d’énergie et l’utilisation des serveurs nécessaires pour les services de visioconférence engendrent des émissions de gaz à effet de serre. Un usage intensif serait donc problématique pour l’environnement sachant que 4 % des émissions de GES sont liées à la pollution numérique.

Quelques solutions pour éviter des effets rebonds négatifs

  • Éviter de recourir au télétravail par journée incomplète, c’est contre-productif ;
  • Nouvelles mobilités quotidiennes (NMQ) : encourager les mobilités actives, les transports en commun… ;
  • Relocalisation (REL) : pour répondre aux phénomènes de relocalisation loin des bureaux, encourager le « full remote » pour éviter des aller-retour trop longs ;
  • En termes de visioconférence, choisir le bon outil (Gotomeeting, Zoom, Skype…) peut avoir une influence considérable sur les émissions de CO2, y compris le bilan carbone de l’entreprise ;
  • Encourager les flex office, car cela permettrait de réduire sensiblement la consommation d’énergie dans ces types de bureau.

Évaluer les bénéfices du télétravail sur l’environnement demeure complexe pour parler de solution de développement durable

En effet, l’on doit prendre en compte une multitude de facteurs. Le télétravail peut changer le mode de vie des individus et ce n’est pas sans répercussions sur l’environnement :

  • exode urbain (des appartements ou maisons avec une surface accrue a comme conséquence de nécessiter une plus grande consommation d’énergie) ;
  • des déplacements tout aussi importants (déplacements professionnels, autour de son domicile, les longues distances entre le nouveau domicile et la ville, etc.).

Sans oublier le fait que le télétravail est protéiforme et dont l’impact environnemental peut varier d’une méthode à une autre : télétravail gris, nomade, en télécentre, pendulaire.

Ainsi, à la question de savoir si le télétravail a un vrai impact sur l’environnement, si la réponse tend vers l’affirmative, l’on ne peut néanmoins l’affirmer avec certitude puisque tout dépend des effets rebonds occasionnés. Pour l’heure, sans doute, est-il prématuré d’observer le télétravail comme une réelle solution de développement durable.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".