Obligation d’emploi des travailleurs handicapés
Le 25 mai 2016Dans la lignée de sa devise « liberté, égalité, fraternité », la France œuvre précisément dans l’égalité des chances quant à l’emploi et à l’insertion professionnelle. C’est ainsi qu’existe aujourd’hui une obligation d’emploi des travailleurs handicapés qui s’impose aux entreprises afin que ces derniers ne soient pas désavantagés sur le marché du travail de par leur condition physique/mentale. Cette obligation implique pour certaines entreprises de devoir employer des personnes handicapées sous peine de sanction. C’est donc une priorité pour le législateur français.
C’est pourquoi récemment, la loi Macron n° 015-990 du 6 aout 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (complétée par un décret d’application du 28 janvier 2016) étend les possibilités à disposition des employeurs pour répondre à cette obligation.
Obligation d’emploi des travailleurs handicapés – interlocuteurs
L’article L5212-13 du code du travail énumère une liste de personnes handicapées bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Ainsi, sont visés par une telle obligation, les salariés dont le handicap est avalisé par la CDAPH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées). Il peut aussi s’agir de victimes d’accident du travail, de personnes atteintes de maladies professionnelles sous certaines conditions. Ainsi le code du travail fait bénéficier une large catégorie de personnes de cette obligation d’emploi des travailleurs handicapés. La liste ici n’étant pas exhaustive.
Le législateur impose une obligation d’emploi des travailleurs handicapés à la charge de tout entreprise d’au moins 20 salariés. Il précise aussi qu’à partir du moment où l’entreprise atteint ce quota, elle dispose de trois ans pour se conformer à ladite obligation.
Le contenu de l’obligation : que dit la loi ?
1. Embauche directe
La loi prône que lesdites entreprises doivent, pour remplir leur obligation, employer des travailleurs handicapés à hauteur de 6% de l’effectif total de l’entreprise. Dans ce cadre, tout type de contrat est pris en compte (CDI, CDD, contrat d’apprentissage…). Le décompte se chiffre en proportion du temps de présence dans l’entreprise pendant l’année civile en cours et le Conseil d’État a pu admettre sur ce point qu’un travailleur handicapé ayant une suspension de contrat continue à être pris en compte dans les effectifs de l’entreprise au titre de l’assujettissement à l’obligation d’emploi (CE 21 juin 2000, n°211656). Pour le cas des entreprises de travail temporaire, le calcul du seuil d’assujettissement à l’obligation d’emploi ne concerne par ailleurs que les employés permanents. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a admis récemment par là une différence de traitement entre les entreprises de travail temporaire et les groupements d’employeurs pour lesquels il a réaffirmé la constitutionnalité pour le calcul du seuil d’assujettissement à l’obligation d’emploi de comptabiliser non seulement les salariés permanents, mais aussi ceux mis à disposition (Décision n° 2015-497 QPC du 20 novembre 2015).
2. Les alternatives à l’embauche directe
Dans ce cadre, cinq alternatives sont prévues aux articles L5212-6 et suivants du code du travail :
Acquittement partiel
La loi institue la possibilité pour l’entreprise de conclure un contrat de fournitures, de sous-traitance ou de prestation de services avec au choix des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile, des établissements ou services d’aide par le travail. Depuis la loi Macron, cela cette faculté s’est étendue aux travailleurs indépendants handicapés bénéficiaires de l’obligation. Le législateur prévoit également la possibilité pour l’employeur de recruter en stage des personnes handicapées jusqu’à 2% de l’effectif total de l’entreprise (autrement dit ce choix permettra de couvrir seulement 2% de l’obligation). Pour être prise en compte, la durée du stage doit désormais au moins être égale à 35h.
Enfin, une nouvelle modalité instituée par la loi Macron prévoit aussi de s’acquitter partiellement de cette obligation d’emploi des travailleurs handicapés, en accueillant au sein de l’entreprise des handicapés pour des périodes de mise en situation dans le milieu professionnel.
Acquittement total
L’application d’un accord collectif prévoyant un programme pour travailleurs handicapés constitue un moyen alternatif de s’exonérer, cette fois totalement de ladite obligation. Le versement d’une contribution annuelle à un fonds public pour l’emploi des handicapés pour chacun des bénéficiaires qui aurait dû être employé, en est un autre. Le fonds en question est soit le fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) pour le secteur privé, soit le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour le secteur public. La contribution doit être versée au plus tard le 15 février de l’année qui suit. À noter également que cette contribution aura pareillement lieu lorsque les moyens retenus par l’employeur ne lui permettront pas de satisfaire intégralement à l’exécution de son obligation ; autrement dit, lorsque l’exécution est partielle, il devra la compléter par le versement d’une contribution annuelle à l’AGEFIPH.
Ainsi les moyens alternatifs à l’embauche directe permettant de satisfaire à cette obligation d’emploi des travailleurs handicapés sont nombreux et ont été complétés récemment par la loi Macron.
Le fait de multiplier les possibilités de s’acquitter de l’obligation par des moyens indirects ne va-t-il pas néanmoins inciter les employeurs à éviter, contourner l’embauche de travailleurs handicapés ? La loi ne serait-elle pas détournée de sa finalité initiale ? Autant de questions qui ont pu faire émerger des contestations quant à la nouvelle loi Macron instituant encore des alternatives à l’embauche directe. Il est à noter cependant que dans le cadre d’une incitation à l’emploi d’handicapés, l’employeur qui procède à une telle embauche peut bénéficier d’avantages financiers comme notamment de primes versées par l’AGEFIPH.
Contrôle – obligation d’emploi des travailleurs handicapés
Afin que puisse être vérifié l’acquittement à l’obligation d’emploi, chaque employeur étant astreint à cette obligation se doit d’effectuer une « déclaration d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) » avant le 1er mars de chaque année civile. Cette déclaration liste les emplois occupés par les travailleurs handicapés ou à défaut les alternatives à l’embauche directe choisies par l’employeur. Autrement dit, elle prouve l’exécution effective de l’obligation d’emploi. Si cette déclaration n’est pas faite, l’employeur n’aura pas satisfait à son obligation au regard de la loi (article L5212-5 du code du travail).
À titre d’information pratique
Sanction en cas de non-respect
Si l’entreprise ne s’acquitte pas ou omet de faire la déclaration annuelle, elle devra verser une somme au Trésor public égale au montant le plus élevé de la contribution à l’AGEFIPH avec une majoration de 25% (article L5212-12 du code du travail).
Nouveauté : Information de l’employeur quant à son obligation
Avec l’ordonnance n°2015-1628 du 10 décembre 2015, l’employeur peut depuis le 1er janvier 2016 interroger l’AGEFIPH quant à cette obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il peut notamment faire appel à elle afin de savoir s’il respecte bien l’obligation mise à sa charge, mais encore la questionner sur les bénéficiaires de l’obligation présents au sein de l’entreprise… (article L5212-5-1 du code du travail). Autrement dit, la loi offre encore un moyen à l’employeur pour faciliter l’exécution de son obligation.
Licenciement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi
Si des règles juridiques encadrent et favorisent l’embauche de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi, de la même manière le législateur encadre le licenciement de ces travailleurs. C’est ainsi que, pour le licenciement d’un bénéficiaire de l’obligation d’emploi, la durée du préavis légal de licenciement est doublée (sans qu’elle n’excède toutefois 3 mois sauf accord collectif contraire).
À ce propos, la Cour de cassation a pu se prononcer en admettant que le fait pour un salarié de ne pas informer l’employeur de son statut de travailleur handicapé ne pouvait le priver des droits/avantages attachés à ce statut et donc notamment du doublement du préavis de licenciement et des indemnités corrélatives (Cass. Soc. 18 septembre 2013 n°12-17.158).
Les juridictions s’alignent ainsi sur les objectifs du législateur quant à la protection du statut de travailleur handicapé au sein de l’entreprise.