Réunions du CE depuis la loi Rebsamen

Par Fabrice AllegoetLe 18 novembre 2015

Les élus du comité d’entreprise le savent déjà pour la plupart, le nombre de réunions au sein des entreprises de moins de 300 salariés connaît un profond changement ; en effet, les réunions du CE depuis l’entrée en vigueur de la loi 2015-994 du 17 août 2015 dite « Rebsamen », ne se tiendront plus nécessairement à raison d’une fois par mois (article L2325-14 du code du travail). En revanche, il n’y a pas de changements pour les entreprises de 300 salariés et plus. Les réunions restent mensuelles.

La délégation unique du personnel (DUP), est prise en étau entre deux contradictions ; d’un côté, elle se réunit au moins une fois tous les deux mois (réunions bimestrielles – article L2326-5 du code du travail) et de l’autre, les instances qui composent la DUP fonctionneraient indépendamment les unes des autres. Quelques explications s’imposent.

Les réunions du CE deviennent bimestrielles

Quelle étrange réforme que celle qui vise à supprimer sans ménagement, six réunions annuelles du CE pour les entreprises de moins de 300 salariés. Peut-être, considérait-on que les élus de ces comités d’entreprise disposaient d’un temps bien trop élevé pour traiter lors des réunions plénières, l’ensemble des sujets qui les animent ? Fallait-il se risquer à réduire ce temps de débat, d’échanges et donc de parole des élus du CE ? Représenter les salariés, pour le CE, cela passe nécessairement par rencontrer le Président de l’instance (l’employeur) pour lui faire part tant des préoccupations des salariés que des propositions du comité d’entreprise (vœux).

Cette réforme risque de bouleverser ce qui apparaissait comme le socle d’un fonctionnement ritualisé depuis 1982 pour une grande majorité de comités d’entreprise. Cette distinction entre les entreprises de moins de 300 salariés et les autres, était-elle judicieuse pour améliorer le dialogue social en France ? ; chacun répondra à cette question.

Se conformer à des réunions bimestrielles du CE (ce qui constitue un minium d’après le code du travail), c’est prendre le risque que celles-ci soient d’une longueur interminable ou qu’elles ne permettent pas de sincèrement aborder les points de l’ordre du jour avec précision. Bref, c’est la qualité de ces réunions du CE qui risquent d’en pâtir. Les élus du CE auront-ils le courage de préparer les réunions lorsqu’on sait qu’ils sont déjà si nombreux à ne pas se prêter à cet exercice pourtant essentiel au traitement de leurs prérogatives économiques et sociales ?

Le code du travail renvoie à la notion de « au moins une fois tous les deux mois » ; il laisse donc le champ ouvert à ce que les réunions d’ordinaire mensuelles, puissent le rester dans les entreprises de moins de 300 salariés. Il va de soi que cette faculté implique un accord entre l’employeur et le comité d’entreprise ; entente qui peut être scellée par le règlement intérieur (accord atypique).

Les réunions de la nouvelle DUP – quelle périodicité ?

En liminaire de cette question, précisons de nouveau que la délégation unique du personnel tant sous son ancien que sous son nouveau format, ne vise pas à fusionner les instances qui la composent ; chaque institution (comité d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT) conserve en effet leurs propres attributions même si les élus afférés au traitement de ces dossiers, se révèlent être les mêmes (article L2326-3 du code du travail). La nouveauté de la réforme issue de la loi Rebsamen entretient cependant la contradiction.

Si au fond, les compétences demeurent distinctes, dans la forme, la DUP devient une nouvelle instance pourvue a minima de règles propres (temps de délégation revu, transfert des heures de délégation possible, ordre du jour et procès-verbal communs, consultations mutualisées…). Ainsi, le CHSCT ne dispose plus de réunions propres comme cela l’est lorsqu’il n’est pas rattaché à une délégation unique du personnel (article L4614-7 du code du travail).

En lieu et place des réunions trimestrielles, les questions relevant des prérogatives du CHSCT seront traitées dans le cadre de la DUP, à l’occasion des réunions bimestrielles de celle-ci ; le code du travail précise à ce titre, qu’au moins 4 des 6 réunions prévues au cours de l’année, doivent être pour partie consacrées aux traitement des questions relevant des attributions du CHSCT (article L2326-5 1° du code du travail). Il existe bien une sorte de fusion des réunions avec tant un ordre du jour commun qu’un procès-verbal unique.

S’agissant des réunions des délégués du personnel, là aussi, il faut s’interroger sur le nombre exact de réunions depuis la nouvelle loi. Si on se réfère au cadre précédent, les délégations uniques du personnel devaient être convoquées à deux reprises au cours d’un même mois ; une première fois pour tenir la réunion mensuelle des délégués du personnel (article L2315-8 du code du travail), une autre pour réunir le comité d’entreprise (conformément à la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 – art. 43 modifiée en 2015). À l’époque, les entreprises qui organisaient une réunion unique commettaient un délit d’entrave (Cass. Crim. 6 février 2007, n° 06-82601).

Cette distinction tenait compte du reste, du cadre particulier de ces deux réunions ; le CE est lié par un ordre du jour et un procès-verbal tandis que les délégués du personnel travaillent davantage à partir d’un registre spécial.

À ce jour, l’employeur n’aura apparemment plus à opérer cette distinction si on raisonne ainsi. L’article L2326-5 du code du travail énonce des « adaptations » dont il faut tenir compte malgré la règle de principe précisée ci-avant ; chacune des instances conservent leur propre fonctionnement.

Aussi, il est bien indiqué que la « délégation » se réunit au moins une fois tous les deux mois sans préciser s’il faut distinguer la réunion propre au traitement des questions des délégués du personnel (DP). Considérant de fait, qu’au cours de cette réunion, sont traitées à tout le moins, les points inhérents aux missions tant du CE que du CHSCT, il apparaîtrait curieux, qu’il n’en soit pas de même pour les sujets touchant aux missions des DP. L’article L2315-8 du code du travail qui s’adressait sans distinction à toutes les tailles d’entreprise avant la loi Rebsamen n’a pas été modifié pour tenir compte de la spécificité de la DUP. Par ailleurs, l’article L2326-3 du code du travail a été modifié en supprimant cette notion de « double réunion mensuelle » tenue l’une à la suite de l’autre.

La réunion préparatoire plus que jamais s’impose

En résumé, dans les entreprises de moins de 300 salariés, où les instances du comité d’entreprise (CE), des délégués du personnel (DP) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont regroupées au sein de la nouvelle délégation unique du personnel (DUP), l’ordre du jour qui sera rédigé pourra aborder toutes prérogatives et facultés propres à ces instances du personnel.

Il est impératif que les membres de la délégation unique du personnel s’organisent pour différencier les sujets d’informations du CE et du CHSCT et de bien distinguer les consultations de ces instances ; à noter que lorsqu’une consultation nécessite de recueillir l’avis tant du CE que du CHSCT, au sein de la DUP, cela se traduira par un débat et un avis « uniques » conférés par un même ordre du jour et un PV conjoint. La préparation des réunions du CE comme de la DUP n’aura jamais autant compté ; il faut que les élus en prennent conscience afin que les débats soient nourris de leur expertise. Les échanges devront aller à l’essentiel pour être constructifs.

Les élus devront apprendre plus que jamais à gérer leur temps de parole afin que chaque minute du débat soit pleinement exploitée pour aboutir le plus souvent sur de véritables résolutions.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".