Restructuration des entreprises – règles

Par Olivia RougeotLe 1 mai 2016

Les entreprises sont des structures devant constamment s’adapter aux évolutions économiques afin de sauvegarder leur compétitivité. Ainsi elles sont quelquefois amenées à se restructurer pour atteindre cet objectif. En effet, la restructuration des entreprises apporte une nouvelle structure et une nouvelle organisation qui permettront de rester sur le marché de la concurrence. Sont alors induits de multiples changements au sein de l’entreprise, affectant ainsi tant l’employeur que les salariés. 

Les types de restructuration des entreprises

Certaines restructurations sont indirectement prévues par la loi. L’article L2323-33 du code du travail en effet fait référence notamment à la fusion d’entreprise (opération visant soit à absorber une autre société soit à en constituer une autre entraînant dans les deux cas la disparition d’une entité juridique), à la cession (opération par laquelle une entreprise est vendue soit partiellement soit totalement à une autre par un rachat de parts) ou encore à la modification de structures importantes de production. Par ailleurs, cette liste n’étant pas exhaustive, d’autres restructurations non nommées dans l’article peuvent être reconnues si elles engendrent d’importants changements. La jurisprudence a dans ce cadre reconnu notamment la scission (opération de séparation de filiales d’un groupe en entité indépendante avec leur propre activité).

Ainsi, plus généralement le fait que l’employeur envisage la suppression de nombreux postes pour réorganiser son entreprise peut aussi prendre la forme d’une restructuration si elle induit des changements importants tant économiques que structurels.

Obligation de l’employeur : consultation des élus

C’est le comité d’entreprise qui doit être informé et consulté en cas de restructuration des entreprises. Le nouvel article L2323-33 du code du travail issu de la loi du 17 aout 2015 énonce en effet une information et une consultation préalable du comité d’entreprise lorsqu’il y a une modification économique ou juridique de l’entreprise, ce qui est bien le cas d’une restructuration telle une fusion, cession… Encore une fois, vu la rédaction large de l’article, la jurisprudence peut admettre une consultation et une information obligatoire pour d’autres restructurations (telle une scission par exemple), bien que non mentionnée dans l’article à condition tout de même que la mesure entraîne une modification d’une certaine importance.

Sur ce point, une évaluation est faite au cas par cas, par les juges.

Ainsi a pu être jugé non nécessaire à la consultation du comité d’entreprise, le fait de modifier un horaire qui n’affecte que 8 personnes sur 350 (Cass. crim. 19 février 1980 n°79-92.118). À titre informatif, à noter que pour le cas des entreprises ayant des établissements multiples, si la restructuration ne concerne qu’un établissement, seul le comité d’établissement de ce dernier sera consulté. Mais, la plupart du temps la restructuration concernant toute l’entreprise, c’est le comité central d’entreprise qui sera informé et consulté sur le projet.

Question

Quelles sont les informations transmises par l’employeur pour la consultation ?

L’employeur doit indiquer les motifs des modifications qu’il envisage et les mesures qu’il a prévues pour les salariés affectés par les modifications (restructuration), s’il y en a. Et, pour que l’information et la consultation soient précises et complètes conformément à l’article L2323-4 du code du travail, le chef d’entreprise se doit d’accompagner les documents écrits nécessaires à la compréhension du projet. Si ce dernier refuse de communiquer des pièces essentielles, le comité d’entreprise pourra alors agir devant le juge des référés pour qu’il ordonne la communication des dits documents (article L2323-4 du code du travail) ou plus encore pour qu’il exige la suspension du projet de restructuration tant que la consultation n’a pas correctement été réalisée. La consultation ne doit pas être tardive, c’est-à-dire qu’elle doit évidemment avoir lieu avant toute décision définitive du chef d’entreprise, mais elle ne doit pas être non plus précoce ; autrement dit, elle doit être réalisée à un moment où le projet est suffisamment défini, mais pas définitif (Cass. Soc. 3 mars 1988 n°86-12.762). Si la procédure de restructuration est complexe avec plusieurs étapes, le comité d’entreprise doit être consulté à chaque étape (Cass. Crim. 30 novembre 1999 n°98-82.729).

Une fois les informations correctement transmises au comité d’entreprise, ce dernier doit disposer d’un délai d’examen suffisant dit « raisonnable » à défaut de précision du code du travail.

Aussi, les parties soit l’employeur et le comité d’entreprise peuvent d’un commun accord fixer un délai d’analyse à l’issue duquel le comité d’entreprise devra émettre ses observations. Si le comité d’entreprise refuse d’émettre un avis sur le projet dans le délai imparti ou à défaut de délai fixé dans un délai raisonnable, il est considéré comme avoir été néanmoins consulté et avoir rendu un avis négatif. Si la procédure se poursuit normalement, le comité d’entreprise fait part de ses observations au chef d’entreprise qui doit y répondre de façon motivée et ce n’est qu’à partir de là que le comité d’entreprise rend son avis définitif.

Utile à savoir

Aucune disposition ne précise que l’avis par hypothèse négatif peut faire obstacle à la décision du chef d’entreprise. Autrement dit, si le comité d’entreprise doit être nécessairement consulté, son avis ne constitue pas un droit de veto. On aperçoit alors ici la limite des effets de la consultation…sur le choix de la restructuration des entreprises.

Conséquences en cas de non-consultation des élus 

Quand bien même la consultation des élus est une obligation dans le cadre de restructuration des entreprises, aucune sanction directe n’est prévue si celle-ci n’est pas réalisée, si ce n’est la possibilité d’être poursuivi sur la base du délit d’entrave (Cass. Crim. 3 février 2004 n°03-80.784) et de devoir verser des dommages-intérêts sur la base de la responsabilité civile des articles 1382 et 1383 du code civil. Autrement dit, une procédure de restructuration sans consultation n’en rend pas moins la restructuration nulle ou inopposable. En revanche, pour faire obstacle à la procédure initiée par l’employeur négligeant la consultation des élus, le comité d’entreprise peut toujours saisir le juge des référés pour suspendre le projet jusqu’à ce qu’il y ait une consultation régulière. Le chef d’entreprise sera alors bloqué dans son projet et sa décision, tant qu’il n’aura pas consulté le comité d’entreprise.

Restructuration des entreprises : conséquence sur les salariés 

Lorsque la restructuration des entreprises aboutit sur une modification de la situation juridique de l’employeur (vente, fusion…) ou plus communément parlant sur un changement d’employeur se pose la problématique du transfert des contrats de travail vers le nouvel employeur. Tel est ainsi le cas en cas de fusion, succession, vente… Sur ce point, l’article L1224-1 du code du travail, d’ordre public (auquel on ne peut déroger) pose un principe de continuité de relation contractuelle. Seulement, pour que le transfert des contrats de travail soit automatique, la jurisprudence a posé la condition qu’il s’agisse d’un transfert d’une entreprise autonome conservant son identité et dont l’activité est maintenue ou reprise, autrement dit que l’activité exercée par les salariés soit transférée au nouvel employeur (Cass. Soc. 7 juillet 1998 n°96-21451). À cette condition, les contrats de travail sont automatiquement transposés (avec la qualification, la rémunération et l’ancienneté) et le nouvel employeur est tenu aux mêmes obligations et ce en vertu de l’article L1224-2 du code du travail.

Question

Un licenciement économique peut-il intervenir en cas de restructuration des entreprises ?

Lorsque la restructuration entraîne un transfert, les contrats de travail sont automatiquement transférés au nouvel employeur. Néanmoins, il est des cas de restructuration où il ne s’agit pas d’un transfert à un nouvel employeur, mais simplement de modifications économiques et structurelles internes à l’entreprise.

Ainsi, et afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, l’employeur peut aussi décider de supprimer des emplois voir de modifier des contrats de travail.

Concernant la suppression d’emploi, l’employeur a cette option dans son panel de pouvoirs, mais celle-ci aboutira souvent à un licenciement économique après échec du reclassement tenté par l’employeur. En effet, il apparaît peu probable que l’employeur parvienne à reclasser un salarié si l’objectif de la restructuration est de supprimer des postes. S’agissant de la modification du contrat de travail, l’employeur doit avoir l’accord de son salarié pour modifier le contrat de travail c’est-à-dire ses conditions essentielles. Ainsi, si une telle modification est nécessaire pour le projet de restructuration, mais que le salarié refuse la modification, il n’a d’autre choix que de le licencier sur la base du licenciement économique de l’article L1233-3 du code du travail.

L’article L1224-1 du code du travail ne fait pas état des conventions et accords collectifs dans le cadre de restructuration des entreprises. Ainsi, soit l’accord/la convention prévoit ses modalités d’application en cas de restructuration et dans ce cas, ces modalités devront être respectées, soit l’accord/ la convention n’a rien prévu et dans ce cas suivra la procédure classique de mise en cause prévue à l’article L2261-14 du code du travail et continuera de produire ses effets jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un nouvel accord. Le comité d’entreprise existant sera maintenu après la restructuration des entreprises dans deux cas, à savoir si l’autonomie juridique de l’entreprise est maintenue ou si l’entreprise devient un établissement distinct de l’entreprise d’accueil ou demeure un établissement distinct de ladite entreprise. Si en revanche, la restructuration entraîne une perte d’autonomie, autrement dit que le transfert entraîne par exemple un mélange de personnel à celui de l’entreprise d’accueil notamment, les mandats de « l’ancienne entreprise » cessent de plein droit à la date du transfert.

La restructuration des entreprises apparaît alors comme un exemple de l’important pouvoir de participation des représentants du personnel dans la prise de décision, pouvoir néanmoins tempéré par les choix du chef d’entreprise…

Auteur de l'article: Olivia Rougeot

Olivia est diplômée d'un master 2 pratiques pénales obtenu à l'université de Montpellier et titulaire du CRFPA. Actuellement, Olivia prépare un diplôme en droit de la santé pour diversifier son domaine de compétences. Elle intervient en parallèle en tant que rédactrice, une expertise acquise entre autre dans le cadre de ses multiples stages dont un au cœur d’un commissariat.