Quelle est la valeur d’une promesse d’embauche ?

Par Adrien KrasLe 26 décembre 2017

Jusqu'alors, la promesse d'embauche était une sécurité pour le salarié souhaitant quitter son emploi pour rejoindre une autre entreprise. Elle lui permettait en effet de démissionner de son poste sans craindre que son nouvel employeur ne lui fasse faux bond. « Chose promise, chose due » dit le dicton et le principe dégagé par la jurisprudence en la matière se résumait plus ou moins à cette formule. C'était toutefois son compter sur la récente réforme du droit des obligations qui a conduit la Chambre sociale à réviser sa position.

Question

Quelle est désormais la valeur d'une promesse d'embauche ?

Pour répondre à cette question, il convient tout d'abord de se remémorer l'ancienne règle dégagée par la jurisprudence pour ensuite faire un petit détour par le droit des obligations…

Jurisprudence passée liée à la promesse d'embauche

Jusqu'à récemment, la promesse d'embauche avait valeur de contrat de travail dès lors qu'elle était ferme, adressée à une personne précise, et qu'elle précisait le poste concerné ainsi que la date de prise des fonctions. Il suffisait alors que le candidat accepte cette proposition pour que le contrat de travail soit conclu. Un courrier assurant à un salarié en contrat de professionnalisation un contrat de travail à durée indéterminée à l'issue de sa formation valait ainsi promesse d'embauche (CA Nancy 6 juillet 2012 n°11/02855). En revanche, à défaut de préciser les éléments essentiels du contrat, et notamment le poste à pourvoir, il s'agissait d'une simple proposition.

Si l'employeur revenait sur sa promesse, cette rétractation s'analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque cela revenait à rompre un contrat de travail !

C'était ainsi le cas, par exemple, lorsqu'une société proposait par lettre du 31 juillet 2006 un engagement en qualité de directeur adjoint à compter du 1er octobre avant de se rétracter par courrier du 9 août (Cass. Soc 7 mars 2012 n°10-21.717).

Incidence de la réforme du droit des obligations sur la promesse d'embauche

L'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, a consacré la notion de « promesse unilatérale ». Ce faisant, elle a conduit à une distinction marquée entre « promesse » et « offre » de contracter. Le nouvel article 1124 du Code civil dispose ainsi que la promesse unilatérale correspond à l'acte par lequel un promettant accorde à un bénéficiaire une option sur la conclusion d'un contrat. Seul l'accord du bénéficiaire est alors nécessaire pour que le contrat soit conclu. Le promettant ne peut donc plus revenir sur sa promesse. Toute rétractation est alors inefficace, même si elle intervient pendant le délai laissé au bénéficiaire pour se décider (article 1124 alinéas 1 et 2 du Code civil).

L'article 1114 du Code civil dispose en revanche que l'offre ne vaut engagement définitif de son auteur que dans l'hypothèse où elle serait acceptée par l'autre partie.

L'auteur de l'offre conserve donc la possibilité de se rétracter jusqu'au terme du délai de réflexion laissé au destinataire (articles 1114 à 1116 du Code civil).

Évolution jurisprudentielle de la promesse d'embauche

Cette évolution du droit des contrats devait nécessairement impacter le régime de la promesse d'embauche. Rappelons en effet que le droit du travail est avant tout le droit du contrat de travail. La Chambre sociale de la Cour de cassation s'est donc vue contrainte de faire évoluer sa jurisprudence suite à l'ordonnance du 10 février 2016. Elle a ainsi, dans deux arrêts du 21 septembre 2017, opéré une distinction entre offre de contrat de travail et promesse de contrat de travail (Cass. Soc 21 septembre 2017 n°16-20.103 et n°16-20.104)

Les faits ayant donné lieu à ces deux décisions de justice concernent un même club sportif qui, courant mai 2012, propose à un rugbyman professionnel un engagement pour la saison 2012-2013.

Une convention est alors remise au joueur, précisant le montant de sa rémunération ainsi que la date de début de l'engagement. Cependant, par mail du 6 juin 2012, le club informe le sportif qu'il ne serait finalement pas donné suite à cette prise de contact. Le 12 juin, le joueur adresse cependant au club le contrat ainsi que la promesse d'embauche signée. Se prévalant de l'existence d'un contrat de travail, le rugbyman a alors saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande indemnitaire pour rupture abusive.

Jurisprudence

La Cour d’appel, par un arrêt du 1er juin 2016, a fait application de la jurisprudence classique de la Chambre sociale.

La convention précisant à la fois le poste vacant, la rémunération correspondante ainsi que la date d'embauche, il s'agissait d'une promesse valant contrat de travail. La Cour de cassation a toutefois considéré ce raisonnement insuffisant. La Cour d'appel n'avait en effet pas tenu compte nouvelles règles posées par l'ordonnance du 10 février 2016. Selon elle, il appartient désormais aux juges de rechercher s'ils sont en présence d'une promesse unilatérale ou d'une offre de contrat de travail. La Chambre sociale a donc renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel afin qu'elle procède à cet examen.

Offre et promesse unilatérale de contrat de travail

La Chambre sociale ne fait plus référence à l'expression « promesse d'embauche ». Elle parle désormais d'offre de contrat de travail et de promesse unilatérale de contrat de travail. Cette distinction, a priori purement théorique, est difficile à concevoir en pratique ! Essayons d'y voir plus clair… Offre et promesse doivent chacune préciser le poste concerné, le montant de la rémunération et la date de prise de fonction. Toutefois, il semblerait que l'offre doive en plus préciser de façon explicite que l'employeur n'entend être obligé envers le candidat que si celui-ci accepte la proposition.

À défaut d’une telle mention, il s’agirait d’une promesse unilatérale de contrat de travail et non d’une offre.

Il ne suffit donc plus que la proposition émise précise le poste concerné ainsi que la date de prise des fonctions. Il importe désormais de déterminer jusqu'à quel point l'employeur a entendu s'engager. L'offre de contrat de travail est en effet susceptible de rétractation, tant qu'elle n'a pas été reçue par son destinataire ou acceptée par celui-ci. En cas d'exercice de cette faculté de rétractation alors que l'offre était sur le point d'être acceptée, l'employeur engagera sa responsabilité extracontractuelle envers le candidat. Celui-ci pourra en effet avoir refusé d'autres propositions dans l'intervalle ou encore avoir préparé son déménagement en vue de cette future embauche. L'employeur sera alors susceptible d'être condamné à l'indemniser du préjudice ainsi subi. 

Conseil d'Expert

Il est en revanche impossible de renoncer à une promesse unilatérale de contrat de travail. Celle-ci est donc plus favorable au salarié puisqu’il est assuré que le contrat sera conclu en cas d’acceptation de sa part.

Si l'employeur revient sur sa promesse, il engagera cette fois-ci, sa responsabilité contractuelle et sera ainsi condamné pour rupture abusive du contrat de travail. Soyez donc vigilant ! Il importe en effet de bien vous assurer que vous êtes en présence d'une promesse unilatérale et non d'une simple offre de contrat de travail avant de quitter votre emploi pour vous engager au service d'une autre entreprise. Vérifiez en conséquence que la proposition écrite précise les éléments essentiels du contrat de travail et qu'elle soit exempte de toute réserve de la part de l'employeur quant à son engagement définitif.

En effet, comme nous le rappelle si bien la sagesse populaire, « chose promise, chose due » et « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » …

Auteur de l'article: Adrien Kras

Titulaire d’un Master 2 en Droit et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Adrien KRAS a prêté sa collaboration au sein de divers cabinets au service d’une clientèle de particuliers et d’entreprises de toutes tailles. Spécialisé en droit social, il exerce actuellement en qualité de juriste conseil au sein d’une organisation professionnelle.