Le paiement des temps de trajet

Par Laure MartinetLe 11 décembre 2016

Fin novembre 2015, une étude du ministère du travail déclare qu’il faut 50 minutes en moyenne aux Français pour se rendre à leur travail et en revenir (Étude – Journal le Monde). C’est sans compter les déplacements supplémentaires nécessités par la fonction occupée par le salarié. Par conséquent, où placer le curseur sur la ligne du temps, divisé entre temps de trajet et temps de travail effectif ?

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de paiement des temps de trajet ?

La loi et les temps de trajet domicile – travail

Les dispositions du code du travail issues de la loi de 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005) sont en charge de poser les règles applicables en matière de paiement des temps de trajet. Ainsi, il est clairement défini par la loi que le temps de trajet du salarié entre son domicile et son lieu de travail n’est pas compté comme du temps de travail effectif (article L3121-4 du code du travail). Ceci tient au fait que pendant cette période le salarié n’est pas sous la subordination de son employeur et qu’il peut utiliser librement son temps pour ses occupations personnelles (article L3121-1 du code du travail).

Il faut cependant nuancer ce propos en précisant que cette liberté est limitée par le fait que le salarié doit bien entendu arriver à l’heure à son travail. En revanche, le temps de travail effectif est caractérisé dès lors qu’il répond à trois critères.

Il correspond à celui pendant lequel le salarié effectue une prestation de travail au profit de son employeur, reste à la disposition et sous la subordination de ce dernier sans disposer de la possibilité d’occuper librement son temps. Cette définition, d’abord mise en avant par la jurisprudence (Cass. Soc. 3 juin 1998 n° 96-42.455) a été ensuite reprise et améliorée par la loi dite loi Aubry (loi n° 98-461 du 13 juin 1998) afin de donner celle précitée. La notion de temps de travail effectif est également utilisée afin de pouvoir distinguer ce qui ne constitue pas du temps de travail effectif : temps de pointage, de pause, de restauration, d’habillage et de déshabillage, d’astreinte et bien entendu du temps de trajet.

Particularités entourant les temps de trajet domicile – travail

Il peut arriver que le salarié partant de son domicile afin de se rendre sur son lieu de travail effectue un déplacement dépassant le temps normal de trajet. Pour ce type de déplacement inhabituel, une contrepartie financière ou sous forme de repos est prévue. Le droit à une telle contrepartie est relativement récent puisqu’elle date de 2005 (loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005). Cette loi a opéré un changement très important dans la mesure où la jurisprudence évoluait dans le sens d’une absence absolue de contrepartie en cas de déplacement inhabituel entre le domicile et le lieu de travail. Ainsi, cette loi amène en 2005 une brise de souplesse sur le paiement des temps de trajet.

Avis d'Expert

À ce jour néanmoins, les contreparties financières ou sous forme de repos existent seulement dans la mesure où un usage ou une convention collective les prévoit. Intéressons-nous plus en détail à la notion de « temps normal de trajet » qui est évoquée par la Cour de cassation en 2008.

Pour cette dernière, il s’agit du temps nécessaire au salarié pour se rendre sur son lieu de travail habituel. Ce temps doit ensuite être comparé au temps de trajet litigieux accompli par ce même salarié (Cass. Soc. 12 mai 2008 n° 06-45.412). Il est enfin prévu que la preuve du temps de trajet inhabituel incombe au salarié (Cass. Soc. 15 mai 2016 n° 11-28.749).

Trajet entre deux lieux de travail

Là où la loi n’intervient pas, la jurisprudence prend le relai. Ainsi, il est convenu de longue date que l’ensemble des trajets parcourus entre deux rendez-vous client, deux chantiers, deux sociétés ainsi que les trajets effectués par des auxiliaires de vie ou aides à domicile constitue du temps de travail effectif devant être rémunéré par l’employeur (Cass. Soc. 16 janvier 1996 n° 92-42.354). Pour la petite histoire, la notion de temps de travail effectif a été retenue par les tribunaux à l’égard des professionnels du bâtiment. Ces derniers doivent en effet débuter leur journée en se rendant à leur entreprise où les équipes sont constituées et ensuite envoyées sur les divers chantiers avec les véhicules de l’entreprise. À la fin de la journée de travail, les équipes doivent revenir à l’entreprise afin de ramener le matériel utilisé durant la journée.

Ces deux périodes sont ainsi caractérisées comme du temps de travail effectif dans la mesure où les salariés sont subordonnés à l’employeur (Cass. Soc. 1er décembre 2009 n° 07-42.796).

Paiement des temps de trajet lors d’une astreinte

Saviez-vous que le temps de déplacement nécessaire à une intervention lors d’une astreinte doit être décompté comme du temps de travail effectif ? En effet, selon la jurisprudence, une intervention du salarié dans le cadre d’une mission d’astreinte débute au moment où celui-ci quitte son domicile pour se rendre sur son lieu de travail. Ce temps de trajet constitue donc du temps de travail devant être rémunéré (Cass. Soc. 31 oct. 2007, n° 06-43.834).

Paiement des temps de trajet et feuilles kilométriques

L’avantage est tout d’abord financier, comme très souvent. La société qui paie à ses salariés des indemnités kilométriques est exonérée de la taxe sur les véhicules de la société. De son côté, le salarié n’est pas imposé sur les indemnités kilométriques perçues. Le salarié perçoit une indemnité pour les trajets effectués pendant son temps de travail avec son véhicule personnel et pour des courses ayant une nature strictement professionnelle. La feuille d’indemnités kilométriques comporte le nom du salarié, la date, le lieu, le nombre de kilomètres effectués ainsi que le modèle et la puissance fiscale du véhicule. Ces indemnités couvrent le véhicule acheté, ses équipements, les frais d’entretien et de carburant ainsi que la prime d’assurance annuelle.

En revanche, les indemnités kilométriques ne prennent pas en compte les dépenses liées aux frais de parking et d’horodateurs.

Le remboursement de ces frais reste néanmoins possible, mais il doit être prévu par le règlement intérieur de la société ou une convention collective. En ce qui concerne le calcul des indemnités, un barème est établi chaque année et consiste à multiplier la distance parcourue tout au long de l’année civile par un nombre obtenu en fonction de la puissance fiscale du véhicule (barème 2016).

Paiement des temps de trajet du CE ou des DP

Les salariés particuliers tels que les membres du CE ou les délégués du personnel ont droit à des heures de délégation durant lesquelles ils accomplissent les missions pour lesquelles ils ont été élus. Ces missions peuvent par conséquent impliquer des déplacements afin de se rendre à une réunion organisée par l’employeur et revenir de celle-ci. Dans le silence de la loi, la jurisprudence a posé les règles en matière de paiement des temps de trajet. Ainsi le paiement des frais de déplacement doit être pris en charge par l’employeur (Cass. Soc. du 28 mai 1996 n° 94-18.797). L’ensemble des réunions, générant des frais de déplacement, demandées par l’employeur et celles à l’initiative de la majorité des membres du comité d’entreprise sont en effet à la charge de l’entreprise (Cass. Soc. 22 mai 2002 n° 99-43.990). Le temps de trajet qui est par ailleurs pris par ses salariés particuliers pendant le temps de travail est considéré comme du temps de travail effectif et doit être rémunéré par l’employeur.

Le paiement des temps de trajet est également dû par l’employeur lorsque ces trajets s’effectuent en dehors du temps de travail (Cass. Soc. 12 juin 2013, no 12-12.806).

Auteur de l'article: Laure Martinet

Diplômée d’un Master II Pratiques juridiques et judiciaires en droit privé dont elle est sortie major de promotion, Laure Martinet est actuellement en train de préparer l’examen d’entrée à l’école d’avocats. Ses nombreux stages en cabinets d’avocats lui ont permis d’expérimenter les divers aspects de la profession telle que la rédaction d’actes, la recherche juridique ou encore le relationnel s’établissant entre les clients et le professionnel.