Fusion des représentants du personnel

Par Fabrice AllegoetLe 24 septembre 2017

La fusion des représentants du personnel a été scellée à la date du 22 septembre 2017 qui résonnera sans nul doute comme une date historique. En effet, Emmanuel Macron a signé l’ordonnance relative à la création du futur comité social et économique (CSE). Les comités d’entreprises, les délégués du personnel et les CHSCT vivent leurs dernières années. En 2020, nous ne parlerons plus que du CSE. Ce changement fait déjà couler beaucoup d’encre. Tout le monde y va de son pronostic quant au succès de cette nouvelle forme de représentation du personnel. Personne pour l’heure n’est réellement serein. Les questions fusent sur le devenir de nos représentants du personnel et sur leur place demain au sein de l’entreprise.

Faisons-le point sur les grands bouleversements dont il faudra tenir compte dans un futur proche.

La fusion des représentants du personnel est en marche

La conséquence directe de la fusion des représentants du personnel s’inscrit dans la disparition future des délégués du personnel tels que nous les connaissions depuis 1936. Certes, la mission elle-même ne disparaît pas totalement ; les élus du comité social et économique seront toujours chargés de porter à la connaissance de l’employeur, les réclamations des salariés. Depuis 1993, les patrons cherchaient comment échapper à la multiplicité des instances représentatives du personnel (IRP), les obligeant à mener de front, plusieurs élections professionnelles. L’ordonnance validée le 22 septembre 2017 et portant sur la fusion des représentants du personnel vient exaucer leurs vœux déjà partiellement entendus lors de l’élargissement de la DUP en 2015. Derrière la disparition des délégués du personnel, comme du CHSCT né péniblement de la Loi Auroux de 1982 et historiquement issu du CHS de 1947, il faut noter la perte d’une réelle autonomie et de moyens d’action.

Affectivement, les délégués du personnel resteront assurément un des piliers sociaux majeurs des périodes sombres du monde du travail !

La suppression brutale des CHSCT en France caractérisera indubitablement une nouvelle page obscure de l’histoire des représentants du personnel. À l’heure où la souffrance au travail n’aura jamais été aussi forte dans un pays frappé en outre par un chômage de masse, la perte d’une telle institution, irremplaçable de surcroît, procède d’une volonté politique de déstabiliser la représentation des salariés. Les futurs élus du CSE, pourront-ils seulement mener de front toutes les missions relevant des questions d’hygiène et de sécurité ? Nous ne pouvons qu’en douter si on en juge avec ce qui se passe de nos jours au sein des délégations uniques du personnel nées de la loi Rebsamen. Peut-être apprendrons-nous de cette grave erreur et que l’humilité politique nous incitera à faire machine arrière ?

Quels moyens de fonctionnement après la fusion des représentants du personnel ?

Bien que la fusion des représentants du personnel soit désormais une réalité, les prérogatives relevant des riches missions des élus issus des différentes instances (délégués du personnel, CHSCT et comité d’entreprise) demeureront inchangées pour un nombre important d’entre elles. Les changements essentiels se nicheront dans les moyens de fonctionnement du comité social et économique qui pour l’heure ne sont pas encore clairement établis. Le nombre de membres élus sera défini dans un futur décret de même que le niveau des heures de délégation. Seule certitude, les titulaires pourront compter sur au moins 16 heures de délégation dans les entreprises de 50 salariés et plus. Il s’agit d’un seuil en dessous duquel, il ne sera pas possible de descendre.

Rappelons-nous, lors de l’élargissement de la DUP (délégation unique du personnel), le crédit d’heures de délégation avait déjà subi un profond remaniement.

On distingue depuis lors trois niveaux de lecture allant de 18 à 21 heures par mois. Malgré l’agrégation du CHSCT, et alors que les anciennes DUP (celles nées de la loi de 1993) pouvaient compter sur 20 heures de délégation pour honorer concomitamment les missions de délégués du personnel (DP) et de comité d’entreprise (CE), le temps de délégation a été proportionnellement revu à la baisse. Une hérésie lorsque l’on sait déjà la difficulté pour la grande majorité des représentants du personnel de satisfaire à l’ensemble de leurs obligations compte tenu du faible temps de travail dont il dispose en réalité.

Remarque

Force est de constater que la précipitation du gouvernement à produire une nouvelle loi visant à révolutionner le monde du travail, l’a finalement contraint à faire du réchauffé avec la création du CSE.

Ainsi, la périodicité des réunions ne sera pas impactée. Une distinction sera toujours opérée entre les entreprises dont l’effectif est inférieur à 300 salariés et les autres. À ce jour, et malgré un faible recul d’à peine deux ans, nous pouvons déjà constater les limites des réunions bimestrielles qui frappent les DUP de 2015 et les comités d’entreprise implantés dans les sociétés ne justifiant pas plus de 300 salariés. En effet, les élus se sentent impuissants pour traiter des sujets aussi denses que complexes résultant de leurs missions économiques (CE), de police interne (DP) et d’hygiène et de sécurité (CHSCT). L’abaissement systématique du nombre de réunions dans l’année conduit désormais à un allongement de la durée de celles-ci. Curieusement, alors que le Code du travail ne présume pas de se restreindre à 6 réunions par an, les employeurs ont profité de la possibilité de le faire pour se limiter à ce chiffre. Un drame qui semble pourtant n’émouvoir personne.

Changement notable avec l’arrivée prochaine du comité social et économique (CSE), le format des réunions.

L’employeur pourra être assisté par 3 collaborateurs de son choix contre 2 à ce jour. Du côté de la présence des représentants syndicaux, rien de changé. S’agissant des suppléants, il semble que leur présence pourrait ne plus être permanente. Bizarrerie juridique héritée sans l’ombre d’un doute d’une pratique déjà contestée et prêtée aux réunions des DP. L’introduction des points inhérents aux missions relatives à la santé, la sécurité et aux conditions de travail aboutira notamment à la convocation du médecin du travail ; une présence bienvenue pour traiter des questions de santé.

Précision de l'auteur

La révolution viendra selon toute apparence du sort réservé aux excédents budgétaires annuels tant pour le budget de fonctionnement que pour celui dédié aux activités sociales et culturelles.

Ne rêvons-plus, le budget de fonctionnement du CSE ne connaîtra pas d’augmentation pour les entreprises de moins de 2000 salariés. Un comble pour cette instance qui verra dans le même temps ses obligations de financement en matière d’expertise, augmenter. L’élargissement des missions d’expertise cofinancées et l’adjonction des missions du CHSCT impliquant d’y être tant formé qu’aidé, auraient justifié une revalorisation de ce budget. Cela ne sera donc pas pour cette fois. Pis encore, le mode de calcul va changer dans un sens plus défavorable qu’à l’heure actuelle. En effet, le législateur supprime l’obligation de se référer au compte 641 pour le calcul des budgets du CSE. Le résultat va aboutir à une baisse significative du niveau de la masse salariale brute de référence, laquelle sera uniquement constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale (futur article L2315-57 du Code du travail).

Mais la disposition la plus controversée, c’est la faculté offerte sur un plateau aux élus, de transférer tout ou partie de l’excédent du budget annuel de fonctionnement.

Ce sont les patrons qui vont être contents. Comment pourrait-il en être autrement ? Le but visé par cette disposition légale inattendue et très problématique est à coup sûr, d’affaiblir l’institution en diminuant le rayonnement professionnel du futur comité social et économique. En siphonnant à l’avenir et légalement le budget de fonctionnement au profit des activités sociales et culturelles (ASC) d’une année à l’autre, les salariés risqueraient d’être représentés par des élus encore moins formés et préparés pour traiter les questions juridiques et comptables.

Reste à espérer que les élus ne tomberont pas dans ce piège.

Le budget de fonctionnement est nécessaire pour honorer toutes les missions du CSE. Il ne faut pas succomber à la tentation d’en faire un appoint pour l’achat de chèques cadeaux. Si les élus se font l’économie des moyens de fonctionnement indispensables à leurs missions économiques, sociales et sécuritaires à l’image d’une formation CSE, d’une assistance juridique CSE, des expertises, de l’achat d’ouvrages professionnels, alors il est fort à parier que les salariés en seront les premiers impactés.

Question

Est-il bon de souligner que le budget de fonctionnement du CSE servira aussi à l’avenir au financement des besoins du CHSCT actuel (documentation, frais de mission, recours à un avocat, etc.) ?

La face cachée de la fusion des représentants du personnel

Qu’on ne s’y trompe pas, la fusion des représentants du personnel avec la naissance du CSE, constitue une vraie régression sociale là où d’autres parlent davantage de simplification administrative. La simplification viendrait plutôt du fait que le CSE sera amputé de nombreuses missions. Le temps de la consultation pourrait même demain être inférieur à 15 jours ! Le recours aux experts deviendra plus difficile compte tenu des nouvelles règles de financement prévues dans la loi. Oui, disons-le, derrière le masque se cache le drame social pour toute une future génération de travailleurs dont la représentation sera plus difficile que jamais à moins d’un sursaut républicain.

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Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".