Les compétences du conseil de prud’hommes

Par Adrien KrasLe 14 novembre 2016

Lenteur excessive, remise en cause de sa composition paritaire … Les critiques sont légion à l’encontre de la justice prud’homale. La loi Macron du 6 août 2015 et les décrets subséquents sont ainsi venus renforcer les compétences du conseil de prud’hommes tout en encadrant plus strictement ses règles procédurales.

Domaine des compétences du conseil de prud’hommes

1/ Compétence matérielle

Les compétences du conseil de prud’hommes couvrent exclusivement les différends individuels entre salariés et employeurs (article L1411-1 du code du travail). Les personnes employées des services publics en sont ainsi exclues, à l’exception de celles embauchées selon les règles du droit privé : contrats aidés, personnel d’un service public à caractère industriel et commercial (SNCF, RATP…).

La condition sine qua non est donc l’existence d’un contrat de travail de droit privé.

Celle-ci est définie par la réunion des éléments suivants : fourniture d’un travail, versement d’une rémunération et existence d’un lien subordination entre les parties. Ainsi, le gérant d’une station-service peut saisir la juridiction prud’homale dès lors que le contrat de location-gérance est exécuté dans des conditions propres au contrat de travail (Cass. Soc. 22 mars 2006 n°05-42.233). Si les contestations de licenciement constituent la majorité des dossiers traités, le conseil de prud’hommes connaît également des litiges relevant tant de l’exécution du contrat de travail (rappels de salaires, annulation de sanctions…).

En revanche, les conflits collectifs sont exclus des compétences du conseil de prud’hommes.

2/ Compétence territoriale

Un conseil de prud’hommes est installé dans le ressort de chaque Tribunal de grande instance (TGI). Le conseil territorialement compétent est en principe, celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est employé le salarié. À défaut de lieu de travail fixe ou en cas de télétravail, c’est l’adresse du domicile du salarié qui sera prise en compte. En tout état de cause, il est toujours possible de se référer au lieu où le contrat de travail a été signé ou à celui où l’entreprise à son siège (article R1412-1 du code du travail).

L’assistance et la représentation des parties

Si le concours d’un avocat s’avère bien souvent indispensable, le salarié a la possibilité de se défendre seul devant le conseil de prud’hommes (article R1453-1 du code du travail). Le salarié peut également se faire assister ou représenter par un collègue, un défenseur syndical ou même son compagnon (mariage, PACS, concubinage). Cette personne devra alors justifier d’un mandat écrit spécial (article R1453-2 du code du travail).

Compétences du conseil de prud’hommes, étape par étape

1/ La saisine

La saisine du conseil de prud’hommes se fait par le dépôt ou l’envoi d’une requête en double exemplaire au greffe de la juridiction. Il est conseillé d’utiliser à cette fin le Cerfa n°15586*01. La requête doit en effet contenir des informations relatives à l’identification du salarié demandeur et de l’entreprise à l’encontre de laquelle la procédure est intentée (article 58 du code de procédure civile). Doivent également y figurer les demandes formulées par le salarié, chiffrées le cas échéant (rappels de salaires…). La requête est accompagnée d’une brève motivation ainsi que des pièces apportées à l’appui de ces demandes. Ces pièces doivent être numérotées et listées dans un document annexe appelé « bordereau » (article R1452-2 du code du travail). Le dossier pourra être complété et de nouvelles demandes formulées tout au long de la procédure. Suite à cette saisine, le greffe convoque le salarié et l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation.

Le salarié est alors prié d’adresser des pièces justificatives au défendeur avant la date fixée (articles R1452-3 du code du travail).

2/ Le bureau de conciliation et d’orientation

La procédure prud’homale privilégie le règlement amiable des litiges. C’est ainsi que sauf exception (requalification de CDD en CDI, prise d’acte…) toute affaire est d’abord soumise au bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Il s’agit d’une séance peu solennelle et confidentielle devant une formation restreinte de 2 conseillers. Les parties sont chacune amenées à exposer leurs positions respectives sur le litige. Si l’une des parties ne se présente pas sans excuse légitime, les compétences du conseil de prud’hommes permettent au BCO de juger directement l’affaire (article L1454-1-3 du code du travail). En cas d’absence injustifiée du demandeur, le BCO peut également renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement ou la déclarer caduque (article R1454-12 du code du travail).

Utilité du BCO ?

Le BCO a pour mission de tenter concilier les parties afin qu’elles parviennent à un accord constaté par procès-verbal mettant fin au litige.

Cependant, dans la grande majorité des cas, la séance se conclut par un procès-verbal de désaccord (article R1454-10 du code du travail). Les parties conserveront toutefois la possibilité de concilier tout au long de la procédure. En tout état de cause, le BCO renvoie alors l’affaire devant le bureau de jugement. Le BCO saisit en principe la formation de jugement classique composée de 4 conseillers. À la demande des parties ou en présence d’une affaire complexe, il peut choisir de confier l’affaire à une formation spéciale augmentée d’un juge du TGI. En cas de demande de résiliation judiciaire ou de contestation de licenciement et avec l’accord des parties, le BCO peut à l’inverse saisir une formation restreinte de 2 conseillers qui disposera alors de 3 mois pour rendre sa décision (article L1454-1-1 du code du travail). En tout état de cause, le BCO informe les parties de la date fixée pour l’audience de jugement.

Les compétences du conseil de prud’hommes comprennent également la mise en état du dossier (article L1454-1-2 du code du travail).

Le BCO fixe les dates auxquelles chacune des parties devra avoir communiqué à l’autre ses demandes, son argumentaire écrit, appelé « conclusions » et ses pièces. Le BCO peut également exiger la remise ou la conservation de tout document utile à la résolution du litige, procéder à des auditions et enquêtes et prévoir la tenue de séances de mise en état. Le BCO peut désigner 1 ou 2 conseillers chargés de cette mise en état. Leurs pouvoirs sont toutefois limités puisqu’ils ne peuvent, notamment, contraindre l’employeur à leur remettre de quelconques documents (Cass. Soc 17 octobre 1990 n°87-45.853). Le BCO a compétence pour ordonner à l’employeur la remise de documents légalement obligatoires (fiches de paie…).

Il peut également le contraindre, si ces demandes ne peuvent être sérieusement contestées, au paiement de sommes salariales et indemnitaires à titre de provisions dans la limite de 6 mois de salaire.

Le cas échéant, le BOC peut également suppléer l’employeur dans l’édition de l’attestation Pôle Emploi.

3/ Le bureau de jugement

Le jour de l’audience, le bureau de jugement (BJ) entend les parties et tranche le litige. Il a également la faculté de renvoyer l’affaire à une date ultérieure ou la radier du rôle des affaires en cours s’il estime qu’elle n’est pas en état d’être jugée. Le BJ dispose alors des mêmes pouvoirs que le BCO pour la mise en état de l’affaire. En tout état de cause, les conclusions et pièces transmises tardivement à la partie adversaire seront écartées des débats. Le principe du contradictoire exige en effet que chacun ait connaissance des arguments et éléments soulevés par son adversaire (articles R1454-19 et R1454-19-1 du code du travail).

L’absence d’une des parties n'est pas bloquant.

Le conseil aura également la possibilité de prononcer la caducité de l’affaire en cas d’absence du défendeur. La décision, prise à la majorité des voix des conseillers, n’est généralement pas rendue immédiatement, mais fixée à une date de délibéré, ultérieure, dont les parties sont informées. Si les conseillers n’ont pas réussi à arrêter une telle décision, l’affaire est renvoyée à une nouvelle audience dite « de partage » présidée par un juge du TGI (article L1454-2 du code du travail).

Les compétences du conseil de prud’hommes en cas d’urgence

1/ Le référé prud’homal

En cas d’urgence et en présence de demandes a priori incontestables il est possible de saisir la formation de référé du CPH par huissier de justice ou selon la procédure ordinaire de saisine (article R1455-5 du code du travail). Celle-ci pourra ordonner à l’employeur de satisfaire une obligation ou de verser une provision (article R1455-6 du code du travail). Si l’employeur est en mesure de contester sérieusement ces demandes, le CPH pourra prendre toute décision visant à prévenir ou interrompre le désordre en cours et renvoyer l’affaire devant le BCO ou le BJ.

2/ Les procédures accélérées

En matière de contestation de licenciement pour motif économique, la séance de conciliation se tient dans le mois suivant la saisine. Le bureau de jugement rend ensuite sa décision au plus tard 6 mois à compter de la transmission de l’affaire, délai porté à 3 mois s’il siège en formation restreinte. Lors d'une prise d’acte ou d'une demande de requalification d’un CDD ou d’un stage, le BJ est directement saisi de l’affaire sans préalable de conciliation. Sa décision doit alors être rendue dans le délai d’un mois.

Auteur de l'article: Adrien Kras

Titulaire d’un Master 2 en Droit et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Adrien KRAS a prêté sa collaboration au sein de divers cabinets au service d’une clientèle de particuliers et d’entreprises de toutes tailles. Spécialisé en droit social, il exerce actuellement en qualité de juriste conseil au sein d’une organisation professionnelle.