Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Par Philippe Lesueur-PicotLe 22 décembre 2019

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, est-ce encore utile de nos jours ? Toutes les entreprises et en leur sein tous les métiers sont affectés par les transformations numériques. Cela s’observe à l’échelle de la société dans son ensemble. Tout va vite, très vite, trop vite pour certains. De tout temps, il faut s’adapter aux changements qui se produisent au cours de la vie d’un homme. Leur rythme désormais effréné est sans doute unique au cours de l’histoire. Ce qui est la norme aujourd’hui ne l’était pas hier et ne le sera plus demain.

Question

Comment, dans ces conditions, est-il possible de continuer à faire le même métier coûte que coûte ?

Ça l’est en réalité de moins en moins. Les entreprises veillent à ce que les emplois et les compétences qui la composent soient régulièrement à jour. Parfois cet objectif est même totalement repensés. Cette démarche se fait parfois au coup par coup, sans qu’il y ait de « structure » pour l’encadrer. Parfois, au contraire, elle est formalisée : c’est que l’on appelle la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC.

Un outil indispensable pour toutes les entreprises qui veulent vivre avec leur temps.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qu’est-ce que c’est ?

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences consiste à évaluer et à gérer lesdits emplois et compétences au sein d’une entreprise. Il s’agit d’un état des lieux des forces et des faiblesses de chacun. Par conséquent, la GPEC met en exergue les atouts et les lacunes de l’entreprise. À court et moyen termes, l’objectif pour les entreprises est de s’adapter aux modifications de leur environnement. C’est notamment le cas en termes économiques, technologiques, sociaux ou juridiques. Il s’agit aussi d’anticiper les changements qui se profilent quant aux habitudes et aux goûts de leurs potentiels clients. De prévoir aussi les répercussions potentielles que ces transformations auront sur la vie de l’entreprise. Répercussions visibles également en matière d’emplois et de compétences.

Question

Mais concrètement, qu’entend-on par emplois et qu’entend-on par compétences ?

Globalement, lorsque l’on évoque les premiers, on fait référence aux femmes et aux hommes qui occupent certains postes dans l’entreprise, mais aussi à celles et ceux qui pourraient les occuper à l’avenir. Les secondes concernent quant à elles les pratiques, les habitudes et bien sûr les connaissances présentes dans l’entreprise.

L’angle de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Pour mener à bien une gestion prévisionnelle, il convient donc de bien connaître :

  • les effectifs, les compétences ;
  • les missions et les profils de chaque collaborateur ;
  • mais aussi leur ancienneté, leur âge, etc.

Cette connaissance approfondie des ressources humaines revêt des considérations sociales, mais aussi économiques :

  • départs en retraite ;
  • potentielles pénuries de main-d’œuvre ;
  • future organisation du travail ;
  • positionnement de l’entreprise sur le marché, face à la concurrence, etc.

Elle conjugue par conséquent la dimension des salariés, de leurs compétences et de leur avenir dans l’entreprise, avec celle plus large de leur employeur. En ce sens, le processus GPEC conjugue plusieurs intérêts. Celui de chaque salarié et l’intérêt collectif de l’entreprise dans son ensemble.

Mettre en place une GPEC au sein d’une entreprise

La prévision et l’anticipation, aussi utiles, voire indispensables soient-elles, ne sont en rien obligatoires. Les petites entreprises qui ne souhaitent pas mettre en œuvre de GPEC ne sont pas davantage tenues à le faire. Parmi elles, celles qui décident volontairement d’entamer cette démarche peuvent bénéficier du soutien des pouvoirs publics.

Bon à savoir

Ainsi, l’État s’engage à apporter un appui-conseil et une aide financière, qui peut atteindre 50 % des dépenses engagées, à hauteur de 15 000 euros au maximum (articles L5121-3 & D5121-5 du Code du travail).

Les entreprises de plus de 300 salariés ainsi que pour celles, dites de dimension communautaire, qui emploient un minimum de 150 personnes sur le sol français, doivent obligatoirement mettre en place une GPEC depuis 2005.

Négociation et gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Quelle que soit leur taille, les entreprises qui s’engagent dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences doivent négocier, pour trois ans, un accord avec les partenaires sociaux. Cette négociation en vertu de l’article L2242-20 du Code du travail relève de l’initiative de l’employeur. Elle associe également les organisations syndicales. Lors de cette négociation, un certain nombre de points doivent être impérativement abordés, en particulier les grandes orientations stratégiques de l’entreprise. Celles-ci ont en effet des conséquences importantes sur l’activité, l’emploi, l’organisation du travail, le recours éventuel à des sous-traitants, à des intérimaires et à d’autres types d’emplois, dits précaires.

À ces thèmes obligatoires peuvent s’en ajouter d’autres, en accord avec les différents partenaires sociaux, comme la mobilité géographique, la mobilité à l’intérieur de l’entreprise, etc.

Lorsque qu’une GPEC est correctement menée, elle doit permettre de :

  • valoriser les savoirs et les compétences des salariés ;
  • d’améliorer les politiques de formation ;
  • peaufiner la gestion des carrières ;
  • favoriser la mobilité professionnelle ;
  • gérer au mieux la pyramide des âges ;
  • d’améliorer l’implication des salariés dans un projet d’évolution professionnelle ainsi que dans le projet d’entreprise ;
  • ou encore de limiter les sureffectifs et les difficultés à recruter.

En résumé, d’optimiser la gestion des effectifs.

La GPEC au niveau des branches professionnelles

L’échelle de l’entreprise est la plus petite possible pour mettre en place une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Au-dessus de ce niveau se situe, en effet, celui de la branche professionnelle. Selon la loi n°2008- 1330 du 17 décembre 2008, il est prévu en effet que les branches professionnelles négocient la mise en place de GPEC au moins une fois tous les trois ans. L’engagement des branches doit notamment permettre de faciliter la démarche dans les entreprises, notamment en leur fournissant des informations relatives à l’évolution démographique au sein de la branche, aux changements technologiques, aux évolutions réglementaires, sans oublier les besoins spécifiques qui se font jour en termes de métiers et de compétences.

Les branches professionnelles peuvent également mettre de « bonnes pratiques » à disposition des entreprises qu’elles intègrent et assurer un suivi et une évaluation des mesures mises en œuvre.

Déployer une GPEC à l’échelle des territoires

Chapeautant les entreprises, mais aussi les branches professionnelles, les territoires sont également considérés comme des échelons pertinents pour gérer les emplois et les compétences. On parle alors de GPEC T. Il n’est plus question de gestion propre aux entreprises ou aux branches, mais d’une mise à disposition d’outils globaux, à partager avec l’ensemble des acteurs d’un territoire. À ce titre, la GPEC T fait partie intégrante des politiques nationales mises en place par l’État. Les intérêts de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sont multiples et sont tangibles pour les individus, pour les entreprises et, bien sûr, pour les territoires eux-mêmes.

Elle permet aux premiers d’adapter leur parcours professionnel et leurs éventuelles formations aux besoins des entreprises locales.

Pour les deuxièmes, le diagnostic GPEC est un moyen clair d’identifier les décalages pouvant exister entre les besoins qu’elles ont et les ressources disponibles sur leur territoire. Les troisièmes quant à eux peuvent repérer les mutations à venir en se fiant aux retours qu’ils obtiennent des entreprises. La mise en place d’une GPEC T nécessite la collaboration de l’État, des collectivités territoriales, des représentants des entreprises, des divers partenaires sociaux, bref de tous que l’emploi au sens large concerne. Ensemble, ils définissent un plan d’action, ses objectifs, son pilotage, son mode d’évaluation, etc.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est une réponse aux défis auxquels l’État, les territoires, les entreprises et les salariés se confrontent aujourd’hui.

En conclusion, ne badinons pas avec la GPEC

Des défis qui sont le fruit d’un monde en mutation, dans lequel les évolutions, technologiques en particulier, rebattent les cartes en permanence, ou presque. Le temps où il « suffisait » de décrocher un diplôme puis d’intégrer une entreprise pour gagner et construire sa vie est désormais révolu. Il faut à présent être à l’écoute et savoir s’adapter en permanence.

Sans être la panacée, la GPEC est un outil efficace pour y parvenir.

Auteur de l'article: Philippe Lesueur-Picot

Avant d’exercer en qualité de Responsable des Ressources Humaines, Philippe Lesueur a également fait ses armes en tant que Responsable Qualité Sécurité Environnement. Confronté très tôt aux problématiques des conditions de travail et des relations au travail, il a bâti des solutions afin de prévenir les risques professionnels.