Comment recourir à l’intérim en France ?

Par Olivia RougeotLe 18 septembre 2016

Recourir à l'intérim en France, oblige d'en connaître les rudiments élémentaires. Le contrat d'intérim aussi appelé contrat de travail temporaire, s’adresse aux personnes souhaitant réaliser des missions ponctuelles. Elles font ainsi appel à une entreprise de travail temporaire avec lesquelles un contrat sera conclu. L’entreprise de travail temporaire (ETT) ou agence d’intérim propose aux employeurs une candidature adaptée aux besoins exprimée par l’entreprise. Une fois l’étape du profilage achevée et un accord trouvé, le salarié intérimaire sera mis à disposition de l’entreprise utilisatrice pour la réalisation de la mission.

Afin que le contrat d'intérim ne soit pas utilisé de façon abusive, il est strictement encadré par le législateur.

Recourir à l'intérim : cas autorisés

Le législateur a dressé une liste des cas de recours autorisés à l'intérim parmi lesquels on retrouve le remplacement d’un salarié, l’accroissement temporaire d’activité, les emplois à caractère saisonnier (article L1251-6 du code du travail) ou encore en vertu de l’article L1251-7 du code du travail, l’insertion professionnelle.

En dehors de ces cas, recourir à l’intérim n’est donc pas légalement autorisé.

Recourir à l'intérim : cas interdits

En sus des cas pour lesquels recourir à l'intérim est autorisé, le législateur a expressément énuméré les motifs où recourir à l'intérim est formellement interdit. Parmi ceux-ci, on peut distinguer une interdiction générale et des interdictions circonstancielles. L’interdiction générale implique que le contrat de mission ne peut avoir pour but de participer à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice (article L1251-5 du code du travail). Autrement dit, ce contrat est limité à une mission ponctuelle. Il est par ailleurs interdit de recourir à l'intérim dans des cas spécifiques et notamment dans les 6 mois suivant un licenciement pour motif économique sauf exception (article L1251-9 du code du travail), pour remplacer un salarié gréviste, en vue d’effectuer des travaux risqués (article D4154-1 du code du travail) ou pour remplacer un médecin du travail (article L1251-10 du code du travail).

Dans ces situations, il est préférable d’abandonner l’idée de recourir à l'intérim sous peine de lourdes sanctions.

Sanctions en cas de non-respect des règles légales

Deux types de sanctions peuvent être la conséquence de la méconnaissance des interdictions législatives. Au niveau « social », la sanction s’explique par le non-respect de l’interdiction générale. Dans ce cas, le salarié peut demander la requalification de son contrat d'intérim en CDI à la date de son premier jour de mission (article L1251-40 du code du travail). La jurisprudence a déjà admis une telle requalification pour un salarié intérimaire effectuant des missions successives consistant à effectuer des tâches similaires. Il contribuait de fait à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Cass. Soc. 9 avril 2015 n°14-10.168). La Cour de Cassation a précisé à propos d’une telle requalification, que l’entreprise utilisatrice devait verser l’indemnité de requalification au salarié (Cass. Soc. 13 juin 2012 n°10-26.387). Au niveau pénal, la méconnaissance des interdictions générales comme circonstancielles est sanctionnée.

Nature des sanctions

Le législateur prévoit ici, pour l’entreprise utilisatrice, une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende (articles L1255-3 et L1255-5 du code du travail). Mais les sanctions pénales ne s’arrêtent pas là, puisque la loi prévoit aussi une amende de 3750 euros pour l’entreprise utilisatrice qui tout en respectant les interdictions, recourt à l’intérim, hors les cas strictement autorisés (article L1255-4 du code du travail).

Relation tripartite et conditions de forme du contrat

Le contrat de travail temporaire est conclu entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire qui le met à disposition d’une entreprise pour la réalisation d’une mission. La mission génère ainsi une relation tripartite par la présence de deux contrats. D’une part, il s’agit dudit contrat de travail temporaire ou contrat de mission conclu entre le salarié et l’ETT, fixant le cadre de travail au sein de l’entreprise utilisatrice. D’autre part, du contrat de mise à disposition conclu entre l’ETT et l’entreprise cliente. L’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail (article L1251-21 du code du travail), mais le salarié demeure attaché à l’ETT avec laquelle il a signé son contrat de travail. Du fait de la spécificité de la relation triangulaire de travail, recourir à l'intérim requiert le respect de conditions formelles. Ainsi sous peine de sanctions, le contrat de mission doit être écrit, signé avec des mentions obligatoires (article L1251-16 code du travail) et transmis au salarié au plus tard dans les 2 jours ouvrables après la mise à disposition. Dans le cas contraire, l’entreprise de travail temporaire est passible de 3750 euros d’amende (article L1255-2 du code du travail).

Les conditions formelles ne doivent pas être négligées sous peine de lourdes sanctions, tout comme les obligations des signataires qui doivent elles aussi être exécutées dans le respect du contrat.

Obligations des signataires

Du côté de l’entreprise utilisatrice, bien qu’elle ne soit pas contractuellement liée au salarié intérimaire, elle a des obligations à son égard qu’elle tient du contrat de mise à disposition. L’entreprise doit ainsi respecter les règles relatives à la durée du travail, à la santé et à la sécurité des travailleurs (avec des actions de prévention notamment), au repos…. Parallèlement, elle a l’obligation de respecter un principe d’égalité en n’opérant aucune différence de traitement entre le salarié intérimaire et ses propres salariés. L’ensemble des droits individuels et collectifs dans l’entreprise doit bénéficier également aux salariés intérimaires. Par conséquent, la rémunération de l’intérimaire ne doit pas non plus être différente de celle que percevrait un salarié de l’entreprise ayant la même qualification professionnelle et le même poste (article L1251-43 du code du travail).

L’entreprise de travail temporaire quant à elle, étant l’employeur du salarié intérimaire, doit classiquement et comme dans tout contrat de travail verser la rémunération au salarié et fournir les documents y afférant (bulletin de paie notamment). Elle a en outre des obligations en ce qui concerne la médecine du travail (article L1251-22 du code du travail). C’est elle en effet qui fixe les visites médicales d’embauche, de reprise…Malgré des responsabilités définies, la jurisprudence a pu admettre un partage de responsabilités, en cas d’accident de travail lorsque l’entreprise utilisatrice n’a pas informé/formé le salarié sur les dangers de sa mission (Cass. Soc. 1er décembre 2011 n°10-25.918). Du côté du salarié enfin, il doit dans le cadre de son contrat de travail exécuter la mission qui lui est demandée.

Succession de contrat de mission 

Est-il possible de recourir à des contrats de mission successifs ? Sachant que la durée maximale d’un tel contrat est par principe de 18 mois (article L1251-12 du code du travail), la loi offre cette possibilité, mais impose toutefois un délai de carence entre chacun. Ce délai est fonction de la durée du contrat de mission précédemment conclu (article L1251-36 du code du travail). Si en dehors de tout renouvellement, le salarié continue à travailler une fois la mission terminée, toute conclusion d’un nouveau contrat de travail sera réputée contractuellement identique à un CDI (article L1251-39 du code du travail).

Le nouveau CDI intérimaire

Pour éviter une succession de contrats de mission, le CDI intérimaire a été codifié par la loi Rebsamen du 17 aout 2015 (loi n°2015-994 du 17 aout 2015) à titre d’essai jusqu’au 31 décembre 2018, date à partir de laquelle sa pérennisation sera débattue. Il peut s’appliquer aux contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2018 (article 56 de ladite loi).

Ce CDI a été conçu dans un objectif de sécurisation de l’emploi des intérimaires qui exécutent des missions successives.

Le contrat est alors conclu entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié et comporte des périodes d’exécution des missions et des périodes d’intermission lorsqu’aucune mission ne leur est attribuée. Plus aucun délai de carence n’est dès lors exigé entre deux missions. L’avantage de ce nouveau contrat est qu’il bénéficie, sauf dérogations contraires, des règles protectrices propres au CDI et permet de surcroît au salarié de compter notamment sur une rémunération mensuelle minimale (article 56 de la loi du 17 août 2015).

Auteur de l'article: Olivia Rougeot

Olivia est diplômée d'un master 2 pratiques pénales obtenu à l'université de Montpellier et titulaire du CRFPA. Actuellement, Olivia prépare un diplôme en droit de la santé pour diversifier son domaine de compétences. Elle intervient en parallèle en tant que rédactrice, une expertise acquise entre autre dans le cadre de ses multiples stages dont un au cœur d’un commissariat.