La pénibilité au travail peut être endiguée par de la prévention

Par Isabelle Vidal-LeonLe 19 août 2018

La pénibilité au travail repose à la fois sur des règles légales (principes) et sur des réalités d’entreprise. Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail. La performance s’accroît consécutivement à l’augmentation de la qualité de vie au travail.

Question

Qu’est-ce qu’un facteur de pénibilité ?

C’est un marqueur. Il détermine la cause d’une souffrance professionnelle. Lorsque celle-ci se répète au quotidien ou lorsqu’elle est inévitable, elle participe à la pénibilité au travail.

La pénibilité au travail est protéiforme

La souffrance au travail évolue en même temps que les conditions de travail. De nos jours, les salariés sont exposés à des nouveaux symptômes liés à l’ère du numérique. Ils sont aussi victimes de la pression toujours plus forte du monde du travail. Tout doit aller vite. Les clients sont pressés. Les fournisseurs sont empressés de réussir pour rester compétitifs. Les cadences de production s’intensifient et avec elles, les facteurs de pénibilité au travail.

Certains salariés sont plus exposés que d’autres à ces facteurs à risques.

Les travailleurs de nuit en sont un exemple. C’est aussi le cas des salariés qui travaillent en roulement ou en horaires décalés. Le travail exécuté dans environnement bruyant est également considéré comme particulièrement pénible. La manipulation de produits chimiques constitue un facteur de pénibilité. La pénibilité au travail n’est pas nécessairement liée à son environnement. Elle est parfois le résultat de mauvaises conditions de travail.

Le management peut dans certains cas incarner une réelle source de pénibilité (mauvaises consignes, objectifs pas clairs, encadrement délétère…).

Au-delà de l’aspect très légal de la pénibilité au travail, chacun a sa propre vision de l’enjeu. Dans leur esprit, il ne s’agit pas toujours de désigner un facteur légal de pénibilité. Les salariés mettent le doigt sur les contraintes de leur activité. Ils dénoncent le manque de moyens, l’absence de formation, le recul des investissements, la baisse des effectifs, etc. Dans de nombreux cas, le durcissement des conditions de travail est la conséquence directe des mauvais choix de l’employeur.

La pénibilité au travail est tombée dans le langage courant

Cette locution est parfois employée à tort et à travers. Cela n’ôte en rien de la nécessité d’endiguer les sources de la pénibilité professionnelle. Il est quelquefois complexe de diagnostic les comportements à risques. C’est la même chose pour les métiers. Une traduction légale des facteurs de pénibilité existe. Cela offre tant aux employeurs qu’aux salariés, un référentiel pour évaluer leur situation.

Obligations de l’employeur en matière de pénibilité au travail

L’employeur est lié aux salariés par une obligation de sécurité de résultat. Dans les faits, l’employeur veille à préserver les salariés de tout risque pour leur santé. La sécurité et la santé au travail font partie intégrante des préoccupations d’un employeur. Ce dernier a le devoir d’engager des mesures concrètes pour éviter tout accident. La dégradation des conditions de travail expose l’employeur à de lourdes sanctions. Les salariés sont en droit d’attendre de l’employeur, une prise en compte permanente des risques professionnels. L’évaluation de ces risques s’effectue régulièrement (et au moins une fois par an). Le résultat est consigné dans le DUERP.

Ce document est obligatoire. Il recense les actions mises en œuvre pour diminuer la nocivité des conditions de travail.

En matière de pénibilité, l’employeur doit déclarer les salariés concernés (compte professionnel de prévention). Sauf exception prévue par la loi, une entreprise doit engager des négociations pour prévenir des risques professionnels. L’absence d’un tel accord est sanctionnée par des pénalités financières (article L4163-2 du Code du travail).

Le salarié face à la pénibilité au travail

Depuis 2014, près de 40% des actifs sont concernés par la pénibilité au travail. Environ 15% des salariés travaillent de nuit de façon régulière ou plus occasionnellement. Cela représente au moins 20 % de salariés masculins contre 10 % de salariés féminins. Le travail de nuit est contraignant pour l’organisation de sa vie privée. Il impacte aussi la santé des salariés. Ils doivent gérer leur sommeil en décaler, apprendre à s’alimenter en conséquence, à gérer leur stress, etc. De nombreux métiers de nuit sont physiquement éreintants. En effet, certaines activités exigent de rester debout ou de circuler dans l’entreprise (veilleur de nuit, agent de sécurité, manutentionnaire…).

Conseil d'Expert

Face au défi du travail de nuit, l’employeur doit ménager la santé des travailleurs.

Il existe peu de statistiques sur la proportion de salariés exposés à des risques pour leur santé et leur sécurité. Un rapport de 2016 de la DARES fait toutefois part de chiffres intéressants. Par exemple, on y découvre que près de 5 % des salariés travaillent dans un milieu très bruyant. Au-delà de 85 dB durant 20 heures par semaine, cette exposition constitue un facteur de pénibilité.

Les risques chimiques impliquent 10 % des salariés en France (exposition à des agents cancérigènes).

Le pourcentage de salariés soumis à un travail répétitif est important. Il concerne près de 2 millions de personnes. La répétition d’un même geste durant 20 heures et plus par semaine entraîne des pathologies articulaires. Près de 8 % de la population active en est frappée. Il s’agit également d’un facteur à ne pas négliger. Le travail en équipes successives alternantes constitue l’un des autres facteurs à risques. Il en est de même pour les salariés exposés à des températures extrêmes. Quelle que soit la nature du risque professionnel, c’est le degré d’exposition qui permet de considérer la dangerosité à terme.

Constat

La temporalité, la fréquence, les conditions de travail permettent d’évaluer le niveau dont il est question.

Pénibilité au travail et C2P

Le C2P ou compte professionnel de prévention remplace depuis 2017, l’ancien compte de pénibilité instauré en 2015 (C3P). À cette période, on dénombrait près de 513 000 bénéficiaires d’un C3P. Sans doute, il en sera de même concernant le C2P. Ce dispositif permet d’engranger des points. Ils sont ensuite transformés au profit de mesures destinées à éloigner les salariés de la pénibilité au travail. Ainsi, le salarié peut réduire son temps de travail (passage à temps partiel). Il peut choisir de suivre une formation en vue d’occuper ensuite un poste moins pénible. Les plus âgés peuvent opter pour un départ anticipé à la retraite.

Bien que le C2P ne soit pas révolutionnaire, il s’agit d’un droit pour tout salarié touché par la pénibilité de son travail.

Que faire pour améliorer les conditions de travail ?

Il existe de nombreuses solutions pour améliorer les conditions de travail. Travailler n’induit pas qu’il faut se blesser ou se fatiguer. L’employeur, les salariés, les représentants du personnel peuvent travailler ensemble. Une réflexion collective est toujours préférable. N’oublions pas que les élus du CSE ou du CHSCT sont tenus d’effectuer des inspections régulières des conditions de travail. L’employeur recense chaque année les risques professionnels. Les salariés ont le droit d’alerter l’employeur de tout danger qui les frappe.

L’ergonomie

Rendre le travail plus confortable, moins risqué, voilà un des enjeux de l’ergonomie. Il vise un meilleur aménagement des postes de travail. Le travail sur écran ou sur machine fait partie des principaux cas d’adaptation des conditions de travail. L’intérêt d’une meilleure ergonomie est d’accroître la productivité tout en encourageant la sécurité des salariés.

L’aménagement des locaux

Le Code du travail prévoit des obligations destinées aux maîtres d’ouvrage (article R4211-1). L’aménagement des locaux n’est pas le fruit du hasard. Tout est contrôle : de la conception des locaux à la gestion de l’espace en passant par l’insonorisation, l’éclairage, l’ambiance thermique… Depuis des années, de nombreuses entreprises misent sur des lieux de travail conviviaux, mobiles et respectueux des salariés.

La modernité des équipements

Une machine ou un engin vétuste entraîne un risque pour la santé et la sécurité des salariés. L’automatisation vient peu à peu à bout de la rudesse du monde du travail. Elle permet de réduire le nombre de gestes pénibles. Une assistance mécanique ou électronique procure bien des avantages. Elle lutte contre la surenchère des accidents du travail. Elle éloigne les salariés des risques pour leur santé à l’image des troubles musculo-squelettiques.

La formation des collaborateurs

Chaque jour, de nombreux accidents sont le résultat d’un manquement à des règles élémentaires. Les salariés manquent de formation pour assumer leur travail. L’absence de formation ou de tutorat conduit à une multiplication des comportements à risques. Une formation adaptée peut pallier ce problème. Par exemple, il est possible de former des manutentionnaires  aux gestes et postures. Une assistante de direction se forme au travail sur écran.

Les consignes et dispositifs réglementaires

La sécurité au travail repose aussi sur des règles ou des consignes. Les salariés doivent s’y conformer. Il appartient à l’employeur de les prévoir et d’en faire la promotion au sein de l’entreprise. D’un point de vue réglementaire, l’inobservation des règles de sécurité expose les salariés à une sanction disciplinaire. Le premier objectif de cet arsenal administratif est d’encourager les salariés à travailler dans de meilleures prédispositions pour leur santé.

Pour conclure :

La prévention des risques professionnels s’obtient par la réunion de plusieurs actions :

– la formation des salariés ;
– l’amélioration des conditions de travail ;
– le renouvellement des équipements ;
– une adaptation des postes de travail ;
– des consignes claires ;
– un encadrement suffisant.

Ce sont ces mesures qui endigueront ce qui fabrique les causes de la pénibilité au travail.

Auteur de l'article: Isabelle Vidal-Leon

Juriste en droit privé et droit social, Isabelle exerce en indépendante depuis quelques années le métier de conseil aux entreprises et de formatrice en droit social. Elle travaille également depuis quelques années comme consultante auprès des particuliers pour le traitement de litiges divers liés au travail.