Les heures de délégation des élus

Par Florian BenoistLe 4 août 2015

Les représentants du personnel titulaires sont dotés d’un crédit avec des heures de délégation des élus afin de mener l’ensemble de leurs prérogatives. Il sera intéressant de s’interroger sur l’absence de crédit d’heures concernant les membres suppléants de ces délégations du personnel. Le temps de délégation est considéré comme du temps de travail effectif, ce qui permet aux élus d’exercer pleinement leurs missions durant leur temps de travail. Ces heures sont notamment utiles pour se réunir à l’occasion de réunions préparatoires. Elles constituent le socle essentiel pour organiser les activités internes à la délégation du personnel. Les instances tant du comité d’entreprise ou du CHSCT pourront notamment préparer leur ordre du jour, travailler sur le contenu des consultations et rédiger leurs avis, prendre le temps de réfléchir à la stratégie d’équipe etc. Les délégués du personnel peuvent discuter des réclamations portées au registre spécial des DP avant la réunion plénière.

Ces heures de délégation des élus peuvent également servir pour accéder à des formations. C’est important de se former afin d’approfondir ses connaissances afin de mieux appréhender chaque dossier.

Cette faculté est surtout accessible aux élus du comité d’entreprise, car c’est la seule institution qui dispose d’un budget pour financer en toute autonomie ses besoins de fonctionnement.

Les heures de délégation des élus

Toutes les délégations ne sont pas pourvues des mêmes crédits. Celui-ci est peut aussi varier selon l’effectif de l’entreprise. Ainsi, les délégués du personnel (DP), titulaires, disposent de 10 heures par mois de délégation dès lors qu’ils sont issus d’entreprises de moins de 50 salariés ; au-delà, le crédit d’heures passe à 15 heures par mois (article L2315-1 du code du travail).

L’effectif est aussi considéré pour l’attribution des heures de délégation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ainsi, les élus disposent respectivement de (article L4614-3 du code du travail) :

Peu importe en revanche l’effectif pour les membres titulaires du comité d’entreprise (CE) ainsi que pour les représentants syndicaux (RS) siégeant au CE ; ils disposent de 20 heures de délégation par mois (article L2325-6 du code du travail).

Cumuler les heures de délégation des élus

C’est effectivement une question qui se pose lorsqu’un même représentant du personnel titulaire a été élu à différentes élections. À ce titre, il est donc détenteur de plusieurs mandats. Prenons l’exemple d’un élu qui serait titulaire au CE, membre du CHSCT, délégué du personnel et délégué syndical dans une entreprise de 250 salariés. Est-il possible de cumuler les heures de délégation des élus ?

La loi ne limitant pas le nombre de candidatures à une élection et n’interdisant pas le cumul de certaines fonctions, cela permet à notre exemple d’être parfaitement réaliste.

Ainsi, cet élu disposerait d’un crédit de 55 heures chaque mois, décomposé comme suit :

– 20 heures en qualité de membre titulaire au CE ;

– 5 heures en qualité d’élu du CHSCT ;

– 15 heures en tant que délégué du personnel ;

– 15 heures en tant que DS (article L2143-13 du code du travail).

Il faut toutefois souligner qu’un salarié à temps partiel qui cumulerait tous ces mandats ne pourrait pas utiliser l’ensemble des heures de délégation des élus contenues dans ce crédit sur son temps de travail effectif.

Ainsi, la partie non utilisable sera rémunérée pour que l’élu puisse poursuivre ses missions en dehors du temps de travail (Cass. soc. 20 mars 2002, no 99-45516). En effet, la législation impose que la durée du travail du salarié à temps partiel, ne peut être réduite de plus d’un tiers par l’utilisation du crédit d’heures (article L3123-29 du code du travail).

Illustrons ce point par un exemple concret. Le salarié travaillerait 105 heures par mois et disposerait dans le même temps de 55 heures de délégation (cumul des mandats précisés ci-avant). Il pourra ainsi exercer 35 heures de délégation sur son temps de travail (soit 105/3 = 35) ; il lui restera 20 heures à prendre en dehors de son temps de travail (soit 55-35=20).

Précisons également que le cumul de mandat ne s’applique pas à la Délégation Unique du Personnel (DUP). Ainsi, un membre titulaire d’une DUP dispose uniquement de 20 heures de délégation ; il importe peu qu’il soit tenu de conjuguer les missions inhérentes au comité d’entreprise d’une part et aux délégués du personnel d’autre part (article L2326-3 du code du travail).

Liberté d’utiliser les heures de délégation des élus

L’utilisation des heures de délégation est sujette très souvent à un débat musclé entre les élus et l’employeur (ou son représentant), président des instances concernées. Afin de vous éclairer sur ce qui pourrait constituer de bonnes pratiques, ci-dessous, 3 conseils avisés pour encadrer la prise régulière de vos heures de délégation.

1/ Régir l’utilisation du crédit d’heures

Les élus du comité d’entreprise tout comme ceux du CHSCT peuvent prévoir dans leur règlement intérieur respectif, une disposition régissant l’utilisation des heures de délégation. La loi n’imposant que très peu d’obligations, les élus et l’employeur peuvent s’accorder sur ce qui ne pénaliserait pas l’action des représentants du personnel tout en préservant l’entreprise de dysfonctionnements. Le règlement intérieur pourrait notamment préciser un délai de prévenance de 48 heures sauf cas de force majeure afin que les élus puissent s’absenter de leur poste de travail sans incommoder la vie du service auquel ils sont rattachés.

2/ Instaurer un bon de délégation

Mis en place soit par l’intermédiaire du règlement intérieur soit en accord avec l’employeur (Cass. crim. 12 avril 1988, n° 87-84148), les élus peuvent recourir au bon de délégation pour encadrer l’usage qui sera fait des heures de délégation des élus (modèle de bon de délégation à télécharger). Précisons toutefois que ce bon de délégation, ne doit pas se transformer à l’image d’une demande d’autorisation préalable ; il ne peut être utilisé que pour informer la direction de l’absence du représentant avant que ce dernier ne quitte son poste de travail (ou dès lors qu’il ne s’y présentera pas).

Le bon de délégation n’indique pas en outre, les motifs de la mission et l’employeur ne peut pas exiger d’en être avisé (Cass. soc. 10 décembre 2003, n° 01-41658). Ainsi et contrairement aux idées reçues et à certaines pratiques observées dans de nombreuses entreprises, le bon de délégation n’a pas à être visé par un membre de la hiérarchie ou par l’employeur (Cass. crim. 4 février 1986, n° 84-95402).

3/ Réunissez les preuves de votre bonne foi

Le fait que l’employeur n’ait pas à connaître de façon systématique, l’usage qui sera fait du crédit d’heures des représentants du personnel, ne doit pas laisser croire pour autant, qu’il ne peut pas en contester l’utilisation. Aussi, l’employeur qui doute que l’élu incriminé puisse avoir utilisé des heures de délégation conformément à l’objet de son mandat, peut demander des explications fournies à ce dernier. L’intéressé doit répondre ; il ne peut pas opposer à l’employeur que les heures de délégation sont utilisées de bonne foi et conformément à l’objet du mandat (Cass. soc. 11 févr. 2015, n° 13-22973). L’élu doit de fait transmettre les éléments demandés : si tel n’était pas le cas, l’employeur pourrait agir devant le juge des référés du conseil de prud’hommes pour qu’il soit contraint à communiquer les explications réclamées (Cass. soc. 23 mai 2007, n° 06-42972).

Afin de vous éviter toute déconvenue de cette nature, il est conseillé lorsqu’un élu use de son crédit d’heures qu’il informe les autres membres de sa délégation de l’usage qui en sera fait. En effet, si l’élu n’a pas à rendre des comptes en permanence à l’employeur, il apparaît légitime qu’en œuvrant pour le compte d’une délégation du personnel, qu’il tienne informé ses pairs du travail qui sera honoré.

Il est préférable d’envoyer un email aux autres membres de l’instance avant de prendre ses heures de délégation en précisant l’objet du mandat, la nature de la mission et la durée estimée de votre déplacement. En cas de contestation, ce sera plus simple de prouver à l’employeur votre bonne foi.

Auteur de l'article: Florian Benoist

Juriste en droit social depuis 5 ans, Florian est un jeune dynamique et talentueux qui a œuvré dans différents cabinets d’avocats avant de prendre son envol en tant qu’autoentrepreneur. Il est désormais consultant et formateur à son compte et travaille notamment pour des TPE, associations, syndicats et des comités d’entreprise.