Être élu au comité d’entreprise

Par Fabrice AllegoetLe 8 mai 2016

Il n’existe pas un profil type pour expliquer en quoi consiste être un élu au comité d'entreprise (CE). Il est rare de trouver des écrits parlant des hommes et des femmes qui ont choisi de devenir élu au comité d'entreprise. En cette période où les convictions notamment syndicales s’affichent dans les rues compte tenu des récentes mobilisations contre la Loi El Khomri (loi travail), il est important de parler de celles et ceux qui comptent aussi dans l’entreprise. Les élus du CE ne sont pas toujours connus ou reconnus pour leurs compétences attenantes à leur rôle économique et social (article L2323-1 du code du travail). Par ailleurs, il n’est pas rare de croiser des membres du CE qui doutent sincèrement de leur utilité.

Les salariés identifient les élus du CE régulièrement comme des bienfaiteurs eu égard au rôle de contributeur de cette institution. En effet, le comité d’entreprise organise des activités sociales et culturelles au bénéfice tant des salariés que de leurs familles.

Il ne s’agit pourtant pas du rôle central du CE. Être un élu au comité d'entreprise ne se résume pas à faire « plaisir » aux salariés. Le cœur de la mission porte en réalité sur des sujets plus déterminants pour les conditions de travail ou d’emploi des salariés.

Être élu au comité d'entreprise, une mécanique électorale

Les élus du comité d’entreprise sont choisis par les salariés parmi les candidats qui se sont déclarés (article L2324-3 du code du travail). Précisons à ce titre que le premier tour des élections du CE est réservé aux organisations syndicales ; c’est-à-dire que seuls des syndicats peuvent présenter en scrutin de liste, des candidats (article L2324-22 du code du travail). Ainsi, il n’est pas rare que certains CE soient intégralement composés de membres issus des syndicats de l’entreprise. Pour les salariés qui ne savent pas toujours opérer une réelle différence entre une section syndicale (ou un mouvement syndical) et un comité d’entreprise, ce monopole électoral ne les y aidera pas. Par ailleurs, les salariés qui candidatent sont répartis en collèges électoraux ; l’un permet d’élire des représentants non-cadres et l’autre, de désigner des élus parmi les cadres.

Pour l’heure, la parité n’est pas une nécessité, mais à compter du 1er janvier 2017, ce sera une composante obligatoire de l’élection (article L2314-24-1 du code du travail).

Derrière ces formalités techniques et légales, il faut parler des candidats eux-mêmes.

Questions

Combien étaient-ils à avoir entrepris une véritable campagne électorale afin de faire connaître leurs intentions et/ou leurs ambitions, leur programme ? Combien étaient-ils à s’être renseignés sur l’exigence des missions du comité d’entreprise ? Combien connaissaient-ils avant de s’engager, le temps qui va être nécessaire pour honorer les travaux du CE ? Et les salariés, électeurs d’un jour, savaient-ils véritablement pour qui et pourquoi votaient-ils ?

Voilà des questions qui restent couramment sans réponse. Les élus (anciens candidats heureux) avouent souvent avoir candidaté sans disposer d’informations sérieuses quant au rôle d’un élu au comité d'entreprise. Certains admettent s’être présentés par défaut voire par dépit en constatant le peu d’engouement suscité par ce rendez-vous citoyen au sein de l’entreprise.

Le visage type d’un élu au comité d'entreprise

Une fois élus, les salariés peinent à trouver leur place au sein de cette institution. Les questions fusent ; « quel est notre rôle ? ; comment devons-nous procéder ? … ». Certains ignorent que les membres titulaires peuvent accéder à une formation du comité d’entreprise maximale de cinq jours (quid des élus suppléants ?). L’embarras du « savoir » n’est cependant pas l’unique obstacle sur la route de ces membres. Le plus complexe à surmonter puise sa source dans l’absence de cadre clair et de règles identifiées. Qui fait quoi, comment et surtout pourquoi ? – (cf. règlement intérieur du CE). Les membres élus, parfois un doux mélange entre des anciens membres réélus et des nouveaux parfaitement novices, rencontrent fréquemment des difficultés pour agir à l’unisson. Chacun tente d’exister par lui-même, quelquefois maladroitement, ce qui provoque des tensions car personne ne veut être particulièrement commandé.

Le comité d’entreprise qui devrait parler d’une seule voix, n’y parvient pas. L’unité laisse place alors à des clans au sein desquels, les élus tentent de s’entendre sans toujours y arriver.

Le CE n’est pas une tribune syndicale

Au sein de cette cacophonie d’idéaux et de motivations discordantes, les syndicats peuvent aussi venir troubler le jeu. Il n’est pas rare d’entendre des élus du CE imposer leurs points de vue nourris par des postures syndicales. Lorsque le CE est également composé de membres se réclamant du second tour des élections (c’est-à-dire sans étiquette), cela ne fait qu’accentuer le malaise qui peut régner.

Disons-le franchement, le comité d’entreprise n’est pas une tribune syndicale.

Il ne faut pas confondre « composition représentative du CE » et dépendance syndicale. Si certains membres du CE sont élus au cours du premier tour, cela n’implique pas qu’ils représentent au sein de l’instance, leur couleur syndicale. Dans la même veine, il serait aberrant pour un élu du collège des « cadres » qu’il se cantonne uniquement à représenter les salariés relevant de la même catégorie professionnelle.

Les candidats sont pluriels au départ afin de bâtir un CE à l’image de l’entreprise. Une fois élus, les membres du CE constituent une « seule et unique équipe apolitique » au service de tous les salariés.

Choisir d’assumer sa charge ou renoncer souvent

Être élu au comité d'entreprise, c’est aussi devoir faire face à un dilemme cornélien. L’élu doit trouver le juste équilibre entre ses aspirations personnelles en rapport notamment avec sa carrière au sein de l’entreprise et son véritable engagement au service de l’intérêt général. Cela commence par refuser de choisir en permanence entre son rôle d’élu du CE et sa charge en tant que salarié.

Le pire serait de renoncer à assumer pleinement son rôle de membre du comité d’entreprise sous couvert d’un hypothétique manque de temps.

Il s’agit d’une question de principe (on ne s’engage pas à moitié), mais autant d’une question de survie d’une institution qui souffre du désengagement récurrent d’un nombre toujours plus croissant de ses membres (de plus en plus jeunes de surcroit). Il faut bien se dire qu’à force de tourner le dos aux missions régaliennes du comité d’entreprise, ce dernier disparaitra, laissant le champ libre à des formes de représentation moins institutionnalisées. Le comité d’entreprise doit être incarné ; cela passe nécessairement par un fort degré d’implication, une vraie organisation structurée, une certaine combativité et surtout par un temps certain où les élus au service du CE, travailleront à accroître son utilité et à amplifier son rayonnement au sein de l’entreprise.

Les élus n’ont pas à choisir et ne sont pas obligés de renoncer !

Le code du travail prévoit d’une part des heures de délégation au moins pour les titulaires – rien par défaut pour les suppléants (article L2325-6 du code du travail), et d’autre part des périodes de réunion dont la durée est comptabilisée comme du temps de travail effectif (tous les élus peuvent donc y participer). Par ailleurs, la jurisprudence rappelle que l’employeur doit aménager les conditions de travail des salariés disposant d’un mandat au CE afin de pouvoir mener de concert l’ensemble de leurs responsabilités (Cass. Crim., 5 nov. 2013, n° 12-84.862). Précisons au sujet des obligations de l’employeur, que ce dernier doit pareillement proportionner les objectifs professionnels des salariés dépositaires d’un mandat au CE afin que ces derniers ne soient pas désavantagés comparativement à leurs collègues (Cass. Soc. 6 juill. 2010, n° 09-41.354).

Passer du statut d’amateur à celui de professionnel

Avant de devenir un élu au comité d'entreprise, les salariés ignorent tout ou presque du rôle qui sera le leur, le temps d’un mandat de quatre ans. Ils sont malgré eux de parfaits amateurs, des diamants bruts ne demandant qu’à être polis. La formation participe à leur apprentissage afin de les éclairer sur le fonctionnement complet, mais complexe de cette institution. En revanche, ce qui traduira un passage d’amateur à celui de professionnel, c’est le degré d’expertise façonné en partie par la connaissance et pour une autre partie, par l’expérience du terrain. Il faut que les élus acceptent d’épouser les missions du CE sans compromissions permanentes.

L'union fait la force

Le CE ne sera par ailleurs jamais plus fort que lorsque tous les élus avanceront unis dans le même sens.

Les salariés ont besoin même si parfois ils feignent de l’ignorer, d’un comité d’entreprise éclairant et clair sur ses positions, prêt à représenter leurs intérêts en matière de conditions d’emploi, de travail. Les salariés doivent pouvoir s’appuyer sur des élus dont la voix compte. Faut-il pour cela qu’elle soit entendue et intelligible. Les employeurs peu enclins à collaborer par exemple lors des consultations du CE doivent s’attendre à trouver des élus motivés et déterminés sur leur passage (Cass. Soc. 26 octobre 2010, n° 09-67.760).

À défaut, le comité d’entreprise sera relégué au second plan. Chacun se fera alors son idée du CE sans jamais en comprendre tant l’utilité que la force au sein d’une entreprise.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".