Comment gérer la souffrance au travail ?

Par Isabelle Vidal-LeonLe 13 juin 2018

La souffrance au travail est un vaste sujet. Il ne faut pas ni le prendre à la légère ni en faire tout un plat. Le monde du travail n’est pas sans risque. Il n’est pas toujours de tout repos. Il y a fatalement des salariés plus exposés que d’autres. Il faut en tenir compte. La pénibilité n’est pas un mythe. La vie de l’entreprise est rythmée par des objectifs, des impératifs, des délais à respecter.

Tout cela est souvent source de stress, de tensions diverses. La souffrance au travail repose sur de multiples facteurs.

La souffrance au travail est une réalité

La souffrance au travail est variable. Elle peut résulter de traumas physiques comme de symptômes psychologiques. Il est souvent question de troubles musculosquelettiques (TMS) et de risques psychosociaux (RPS) lorsque le sujet de la souffrance au travail est évoqué au sein de l’entreprise. Le monde du travail est difficile et il exige une implication importante. Les efforts que doivent produire les salariés peuvent nuire à leur santé s’ils ne se protègent pas suffisamment. Le port de charges lourdes à répétition, l’exposition au bruit sans discontinuer, l’inhalation de substances toxiques, un projectile dans les yeux, le travail sur écran, etc., sont autant de situations possiblement dangereuses.

La protection des salariés n’est donc pas une option, mais une nécessité.

Les salariés sont aussi exposés à des risques plus diffus. La souffrance au travail peut progressivement apparaître au grand jour après des mois voire des années d’enfouissement des signaux d’alerte. C’est souvent le cas du burn-out. Il est le résultat la plupart du temps d’un trop-plein, d’une réelle saturation. Il y a bien des signes avant-coureurs pour peu que nous sachions les repérer. Certaines souffrances sont toutefois plus difficiles à cerner. C’est le cas notamment lorsque la frontière entre la vie privée et le monde du travail est ténue. Il n’est pas toujours simple d’isoler ce qui est en rapport avec l’un ou l’autre.

Témoignage

Un salarié qui souffre au travail n’est pas pour autant guéri lorsqu’il rentre chez lui et vice et versa.

Comment accompagner les salariés face à la souffrance au travail ?

Les représentants du personnel peuvent largement intervenir sur ce terrain. À ce jour, et jusqu’en 2020, cette mission relève en particulier des membres du CHSCT. À terme, ce sont les membres du comité social et économique (CSE) qui prendront le relais. Dans tous les cas, les élus du personnel sont là pour apporter leur soutien aux salariés en détresse. Ces interventions peuvent prendre la forme d’une alerte du CHSCT par exemple, d’une campagne d’information, d’une écoute particulière, etc. Il n’y a pas de limite quant aux mesures qui peuvent être prises pour aider les salariés en proie à la souffrance au travail.

Conseil d'Expert

L’employeur peut tout autant s’en inquiéter en proposant la mise en place d’une cellule psychologique au sein de l’entreprise.

Les salariés peuvent être associés à la lutte contre la souffrance au travail. Rappelons que dans le Code du travail, il est prévu qu’ils prennent soin de leur santé et de celle de leurs collègues. C’est déjà une façon de leur faire prendre conscience des enjeux en matière de santé et de sécurité au travail (article L4122-1 du Code du travail). La souffrance au travail peut être suscitée par les relations tendues ou dégradées entretenues entre collègues ou avec les managers. Elle peut tout autant puiser sa force dans l’absence de ménagement. Le droit à la déconnexion est venu s’immiscer dans le débat il y a quelques années pour nous rappeler l’importance de décrocher.

Tout le monde doit savoir se ménager du temps pour se reposer, se ressourcer, se recentrer, prendre soin de soi et de sa famille.

Les salariés victimes d’addiction au travail (boulomanie ou workaholic) représentent la proie idéale de tous les écueils liés au monde du travail. Ils sont incontestablement le résultat de cette névrose obsessionnelle du résultat à tout prix. Il est impérieux de les aider à se désaccoutumer du travail. Il est bien de les éveiller à d’autres sources d’intérêt. Le travail même s’il est la représentation d’un certain plaisir, il n’en demeure pas moins une obligation. Il est en conséquence opportun de s’isoler de cette contrainte pour retrouver la souplesse qu’offre la vie en général. Retrouver les codes de l’insouciance, de l’absence d’échéance et du choix, c’est indispensable.

Apprendre à surmonter la souffrance au travail

Nous le savons tous, le travail permet de s’accomplir, de se réaliser, d’exister socialement. Pourtant, derrière cet idéal, il faut aussi compter sur les difficultés qui écornent le monde du travail. Le mal-être au travail, les relations conflictuelles, la peur ou les angoisses sont réels. Ils sont le résultat d’une perte de vitesse, de confiance en soi, d’un recul de compétences ou d’une pression exagérée exercée par les employeurs obnubilés par la réussite. La souffrance au travail en est finalement la résultante. Il faut apprendre à la surmonter.

Conseil d'Expert

Afin de sortir de l’engrenage de la souffrance au travail dans lequel les salariés sont plongés, il faut commencer par pointer et dénoncer les causes.Ces causes sont plurielles la plupart du temps.

L’organisation du travail, le niveau de responsabilité, le manque d’effectif, le matériel défectueux ou inadapté, des consignes pas claires, la rivalité entre collègues, la santé économique de l’entreprise, etc. participent à la dégradation des conditions de travail. Fatalement, cette dégradation amplifie les phénomènes de mal-être. Il est impératif dans un premier temps de parler de ces sujets qui fâchent. Ils sont la cause de la souffrance au travail. La perspective de perdre son emploi par exemple est encouragée par le manque de résultats économiques. La peur de venir au travail puise son énergie dans le management autoritaire, répressif.

Le manque d’entrain, d’énergie pour travailler est incarné le plus souvent par l’absence d’orientations précises.

L’addition et la persistance de ces problèmes du quotidien encouragent la descente aux enfers de nombreux salariés. Si vous ajoutez à cela, des problèmes personnels, vous obtenez un cocktail explosif. Il est difficile de résister alors à la pression et à ses conséquences sur la santé du salarié. À ce moment-là, il ne faut pas hésiter à consulter son médecin traitant et à envisager une thérapie. Être en mesure d’expulser ce qui ronge le salarié de l’intérieur, c’est essentiel. L’assistance d’un psychologue se révèle utile dans de nombreux cas de souffrance au travail. Le coaching peut également aider.

Pour surmonter la souffrance au travail, le salarié doit apprendre à prendre de la distance et fuir les environnements toxiques (comme les personnes).

La perte d’appétit, le manque de sommeil, l’amaigrissement ou l’irritabilité des salariés doivent alerter. Ce sont des manifestations parmi les plus courantes de la souffrance au travail. Il est conseillé de ne pas les laisser s’installer trop longtemps. Un arrêt de travail pour se ressourcer et se rétablir peut donc être une solution non négligeable. Une rééducation du salarié pourrait s’avérer nécessaire ; apprendre à se ménager, à respirer, à se protéger tout en restant largement actif au travail, c’est totalement compatible. Il faut juste savoir comment doser tout cela afin de ne pas sombrer soit dans la nonchalance soit dans l’hyperactivité.

Apprendre à travailler, c’est peut-être la clé pour réellement lutter contre la souffrance au travail.

La souffrance au travail peut être limitée

Les employeurs peuvent largement contribuer à une meilleure qualité de vie au travail (QVT). Cela passera inévitablement par une volonté politique propre à l’entreprise. La QVT dont tout le monde parle n’est pas une gourmandise réservée à une élite. Elle est l’avenir pour nos entreprises et les salariés. Le monde du travail ne doit plus être synonyme de souffrance. Tout le monde doit comprendre qu’il est urgent de l’associer à l’épanouissement professionnel, à la réalisation de soi et à la satisfaction de participer à une œuvre utile et collective.

Conclusion de l'auteur

Si tous les acteurs du monde du travail l’envisageaient sérieusement en optant pour un changement profond de nos comportements, travailler deviendrait un plaisir et procurerait de réels bienfaits.

Auteur de l'article: Isabelle Vidal-Leon

Juriste en droit privé et droit social, Isabelle exerce en indépendante depuis quelques années le métier de conseil aux entreprises et de formatrice en droit social. Elle travaille également depuis quelques années comme consultante auprès des particuliers pour le traitement de litiges divers liés au travail.