Changement de poste, quels sont nos droits ?
Le 23 juillet 2017Les droits d’un salarié confronté à la situation d’un changement de poste, ou d’une mobilité dite « fonctionnelle » dépendent en grande partie des circonstances qui y conduisent ou qui l’entourent.
Profilage d’un changement de poste
La première démarche qu’il me semble essentiel de mener consiste à dresser un état des lieux de la situation factuelle. Il n’est finalement pas toujours aisé ni de déterminer précisément ni, à plus forte raison, de prouver, le contenu des fonctions occupées par un salarié. Naturellement, si une fiche de poste a été établie par la Direction, il s’agit d’un indice précieux, bien que dans la réalité telle qu’observée, les choses ne sont pas aussi strictement appliquées. Dans certains cas, le contrat de travail lui-même prévoit clairement les tâches qui reviennent au salarié concerné ou y annexe une description détaillée du poste, ce qui fixe clairement les termes du débat.
Conseil d'Expert
Pour tracer la limite entre ces deux notions, plusieurs éléments doivent être pris en compte.
Il y a tout d’abord changement et changement. Il est bien évident qu’une légère évolution des tâches quotidiennes confiées au salarié n’offre pas les mêmes garanties qu’une totale refonte de son poste à l'image de l'obligaiton qui pèse sur les employeurs en matière de modification du contrat de travail (article L1222-6 du code du travail). Mais il y a aussi poste et poste. Le passage d’un emploi de jour à un emploi de nuit ou l’éloignement important du nouveau lieu de travail par exemple et leur retentissent sur la vie personnelle du salarié ne doivent pas être négligés. Une fois le contenu des fonctions clairement cerné et ces premiers éléments en main, deux séries de questions doivent être abordées pour connaître les droits du salarié confronté au changement de son poste.
Question
Ce n’est qu’après avoir répondu à ces deux interrogations que les droits du salarié pourront être définis et sa réponse adaptée.
Le simple changement de poste
Certainement sensible au besoin d’une entreprise d’adapter l’organisation du travail et, par conséquent, faire régulièrement varier les tâches confiées à chacun des salariés, la Cour de cassation adopte une interprétation assez extensive de ce qui constitue un simple « changement des conditions de travail ». L’idée directrice qui se dégage de sa Jurisprudence est qu’à moins que la qualification des fonctions occupées par le salarié ne se trouve dégradée, son consentement n’est pas requis.
Dit autrement, ne constitue en règle générale une modification du contrat de travail qu’une réelle « déclassification » de l’intéressé (Cass. Soc. 5 novembre 2014, n° 13-18.209).
La Haute Juridiction estime toutefois insuffisante à démontrer une réelle perte de qualification, la seule modification du rang hiérarchique du salarié concerné. Pouvait par exemple être imposé par l’employeur sans recueillir le consentement du salarié concerné, l’insertion d’un échelon hiérarchique intermédiaire, dès lors que le contenu des fonctions n’en est pas affecté (Cass. Soc. 5 novembre 2014, n° 13-17.204). À l’inverse, la Cour de cassation considère systématiquement que constitue une réelle « modification du contrat de travail » qui ne peut pas être imposée au salarié la modification, même légère, de son niveau de qualification (Cass. Soc. 2 février 1999, n° 96-44.340).
Dans la pratique des éléments de preuve essentiels peuvent être apportés à une Juridiction pour démontrer la déclassification subie par le salarié. C'est le cas notamment de la classification retenue par la Convention collective de branche ou un accord d’entreprise, mais aussi de l’organigramme fonctionnel de l’établissement ou du service de rattachement.
La diminution du niveau de responsabilité peut également ressortir de la réduction du secteur d’activité ou des moyens mis à la disposition du salarié pour exercer ses fonctions, ou encore d’une perte d’autonomie dans son activité.
Les conséquences du changement de poste
Un tel changement s’accompagne parfois d’une autre évolution dans les conditions de travail du salarié, notamment des horaires, du mode de rémunération, ou du lieu de travail. Sans entrer dans une étude détaillée de ces éléments du contrat de travail, certains principes essentiels peuvent ainsi être retenus. C’est le cas par exemple, d’une évolution des horaires de travail n’est soumise au consentement du salarié que lorsqu’elle consiste à un passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit ou d’un horaire fixe à un horaire variable ou de manière générale qu’elle bouleverse de manière très importante l’organisation du temps de travail du salarié.
Par ailleurs, un changement même mineur des conditions de travail du salarié, principalement des horaires ou du lieu de travail, peut être soumis au consentement du salarié dès lors qu’une telle mesure porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale (Cass. Soc. 3 novembre 2011, n° 10-14.702). Ainsi, des éléments tels qu’un parent dépendant hospitalisé ou la scolarisation d’un enfant peuvent légitimement faire obstacle à un changement de poste qui aurait un grave retentissement sur la vie personnelle et familiale du salarié.
La bonne attitude face à un changement de poste
Tenant compte de l’ensemble des éléments exposés plus haut sur l’ampleur de l’évolution de ses fonctions et ses conséquences possibles, le salarié confronté à un changement de poste doit chercher à qualifier le plus objectivement possible cette évolution soit de modification du contrat de travail soit de simple changement des conditions de travail. De là découlent deux régimes juridiques frontalement opposés. La modification du contrat de travail est soumise au consentement du salarié et le refus ne peut, en lui-même, conduire au licenciement. Le simple changement des conditions de travail peut être imposé par l’employeur et le refuser constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le pari est donc très risqué pour le salarié auquel l’employeur entend imposer une mutation de poste qui constitue vraisemblablement une modification de son contrat de travail.
Si une diverge d’analyse persiste, ça n’est, dans la plupart des cas, qu’après avoir contesté son licenciement que le salarié obtiendra finalement sa réponse sur la qualification de la mesure. La prudence s’impose. Du reste, la Cour de cassation tient compte de la difficulté pour un salarié subordonné de se positionner immédiatement en pareilles circonstances, et juge que la poursuite de l’activité aux nouvelles conditions ne vaut pas consentement à la modification de son contrat de travail (Cass. Soc. 9 novembre 2011, n° 09-73.040).
Conseil d'Expert
Il faut enfin réserver un cas particulier qui, par sa nature, ne peut pas être appréhendé dans les mêmes termes ; celui de la rétrogradation disciplinaire. Il n’y a là aucun débat à chercher sur la qualification d’une telle mesure qui constitue à coup sûr une modification du contrat de travail. Conformément aux principes généraux évoqués plus haut, le consentement du salarié est donc requis et le caractère disciplinaire de la mesure n’y change rien. Cependant, en cas de refus, l’employeur qui n’a pas épuisé son pouvoir disciplinaire conserve la possibilité de sanctionner les fautes commises par son salarié, notamment en lui notifiant son licenciement. Là encore, le choix peut donc s’avérer complexe et emporter de lourdes conséquences.
Dans toutes les hypothèses, il semble donc indispensable d’éviter une réaction trop prompte à un changement de poste, de prendre le temps d’une analyse complète de la situation et de prendre un conseil éclairé pour limiter les risques.