Les avantages CSE incarnent l’eldorado des financiers

Par Laurent AdriaensenLe 29 avril 2019

Comment vous le dire ? De nos jours, il n’y a guère encore que les insouciants qui peuvent succomber au fait d’acheter des avantages CSE. Oui, je dis bien « acheter des avantages, des remises, des réductions… ». Cela parait fou, non ? Pour ma part, une remise se consent, elle ne s’achète pas. Mais voilà, tout le monde n’est pas « moi ». Et fort heureusement en somme.

Les acteurs sur ce marché ne cessent de croître et pour cause. Les financiers y voient là, un eldorado.

Que cachent les avantages CSE proposés aux salariés ?

Les avantages CSE sont pléthoriques. Il y en a pour tous les goûts et toute l’année (bons d’achat, offres promotionnelles, cartes de réduction, voyages remisés…). La promesse est toujours la même, peu importe l’enseigne ; optimiser le pouvoir d’achat des salariés.

Avec une telle approche commerciale, les CSE se laissent volontiers suborner.

Les représentants du personnel sont adeptes des « cadeaux ». Ils aiment être singularisés. Ce qu’ils apprécient encore davantage, c’est la reconnaissance des salariés. Alors quoi de mieux qu’un portail d’avantages CSE pour l’obtenir. Le « faire plaisir » l’emporte de facto sur tout le reste. En investissant dans ce genre de services, les élus misent sur la notoriété qui va de pair. Sans doute, les salariés seront plus indulgents, moins ingrats.

Les activités sociales reléguées à une fumisterie enrubannée

Dans de nombreuses entreprises, les avantages CSE viennent remplacer les bonnes vieilles activités sociales et culturelles des années 80. Pour nous l’expliquer, les élus parlent de changements de mœurs, d’époque. Désormais, les salariés veulent consommer du plaisir à coup de remises, de réductions. Ainsi, les activités se financiarisent et se dématérialisent. D’un côté, je cherche le gain à tout prix, de l’autre, j’achète en ligne. Cependant, je m’interroge.

Question

Le comité social et économique (CSE) est-il destiné à n’offrir que des avantages à tout va ?

N’y a-t-il plus de place aux activités fédératrices ? L’absence de ces activités entraînent nécessairement une déshumanisation de la politique sociale du CSE. Pourtant, je ne le répéterai jamais assez, ces activités sont essentielles pour l’entreprise. Les salariés ont tout à y gagner. En effet, il est important de nourrir des liens autrement que par des contraintes professionnelles. C’est l’occasion de faire connaissance et d’apprendre des autres, tout en profitant d’un moment convivial et surtout de partage !

Les avantages CSE font-ils partie du rôle économique et social ?

Peut-on décemment croire que les membres élus sont voués à proposer ce genre de prestations ? Notons au passage que je pointe du doigt les CSE, mais certains comités d’entreprise (CE) ne sont guère plus honorables. Cette pratique visant à acheter des avantages CSE date déjà depuis longtemps. Alors j’ose poser cette question ? Si je m’en réfère à l’article R2312-35 du Code du travail, est-il permis de limiter l’offre de la politique sociale du CSE à des remises ou des bons d’achat ? Le CSE doit se souvenir que son rôle est de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des salariés. Cela passe en partie via son offre sociale d’activités dont l’objectif est de rassembler, pas de désunir, d’individualiser. Or, la culture de l’argent facile, de la réduction accordée sans relâche, isole et nombrilise.

Conseil d'Expert

Il est préférable de miser sur des activités qui éveillent culturellement et qui unit les salariés.

Cela encourage la cohésion sociale et offre bien plus de perspectives pour un climat social serein et pérenne. Faut-il que les élus retrouvent le goût du « vivre ensemble » ? Car, c’est aussi un argument. Les salariés préfèrent l’odeur du gain à l’idée du partage. Pourquoi me coltiner mes collègues le temps d’une soirée, d’un week-end me direz-vous ? Et pourquoi pas ?

Les salariés fuient les moments chaleureux comme s’il s’agissait de se protéger de la peste.

Certains fulminent lorsque les CSE osent remettre en question l’offre de billetterie au profit de sorties entre collègues. Sans doute préfèrent-ils à la chaleur humaine, la froideur d’une plateforme numérique où dénicher des bons plans à foison ? Ainsi, ils pourront profiter des remises de 5 à 20% sur les places de cinéma, sur les parcs d’attractions. Et que dire des places de concert, des remises sur les coffrets cadeaux et sur une kyrielle de magazines. Et n’oublions pas les réductions sur les vacances avec comme promesse toujours plus d’économies à la clé.

S’acheter une bonne conscience avec les avantages CSE

De nombreux élus le disent, ils ne prennent pas le temps pour honorer leur mandat. Parasités en permanence par toujours plus urgent, ils éprouvent des difficultés à se libérer. Dans ces conditions, comment organiser une activité sociale digne de ce nom ? Alors, lorsqu’un commercial vient proposer une prestation « clé en main » qui sent bon la déculpabilisation, ils n’hésitent pas.

Quitte à ne rien faire de concret, autant proposer un service qui se veut résolument bénéfique pour les salariés.

En tout cas, à première vue. C’est ainsi que commence généralement le premier pas, vers ce que je qualifie d’attrape-nigauds. Peut-on croire sérieusement qu’un portail de remises peut concurrencer une vraie activité sociale ?

Les élus sont eux-mêmes dubitatifs quant à ces avantages

La plupart l’affirment sans hésitation. Les avantages proposés par la majorité des acteurs du marché ne sont pas toujours aussi intéressants qu’il n’y parait. Et c’est vrai, bien des remises sont soient identiques à celles qu’on trouve sur la toile (gratuitement) soient moins compétitives. La déception est donc plus forte à l’arrivée pour le consommateur final.

Question

À quoi bon investir dans ce type de prestations si c’est pour ne rien gagner en définitive ?

Mais les commerciaux de ces enseignes rusent d’imagination pour en expliquer les raisons. L’offre ne se résume pas aux avantages CSE. Elle est bien plus large. C’est ainsi que ce portail se drape d’un site internet et de services associés (logiciel comptable, gestion des ayants droit…).

Le CSE investit alors dans une gamme de produits entièrement packagée pour sans doute noyer un peu plus le poisson.

Tout semble parfait à un détail près. Le budget utilisé pour financer une telle offre. Les élus le disent sans détour : s’il fallait financer cette prestation avec le budget ASC, ils ne le feraient pas. C’est sans doute la raison principale qui encourage à leur faire détourner le budget de fonctionnement. Sous couvert de vendre une prestation afférente à la communication, les vendeurs invitent très largement les CSE à se compromettre. L’appât du gain est plus fort que la probité. Mais voilà, inciter les élus à financer les avantages CSE avec le budget de fonctionnement est un délit. Certaines entreprises du secteur sont même condamnées pour tromperie. Il importe peu que le produit soit vendu dans un emballage trompeur. L’offre vise prioritairement les salariés, en cela qu’elle permet à ces derniers de faire des affaires. En tout cas, en apparence.

Le CSE qui achète ce package est plus tenté par la promesse d’économie que par le reste des services.

Ce qui compte, c’est permettre aux salariés de profiter des remises pour faire des économies. Le fait que la prestation comprenne un site et un logiciel de gestion, c’est juste un plus. Dans nombre de cas, le site est sous-exploité, le logiciel pas utilisé. C’est dire, le peu d’intérêt qui en résulte.

En conclusion, le CSE doit retrouver sa légitimité en tant que telle

Le culte du « faire plaisir aux salariés » doit céder sa place à la volonté de les rassembler. Il faut éclipser la promesse du gain facile par celle d’un vrai lien social. C’est à ce prix que les CSE retrouveront la place qu’il leur revient. En acceptant de s’investir un peu plus au profit des salariés, tout le monde en tirera avantage.

L’objectif de la politique sociale d’un CSE s’inscrit dans la volonté de réunir les salariés en de multiples occasions.

Une manière tant de jouer la carte de la cohésion que de l’éveil culturel. Au passage, les salariés font des affaires. En effet, même s’ils sont appelés à participer financièrement aux activités, elles sont souvent subventionnées. Aussi, le prix payé est toujours plus rentable que celui affiché au départ. Il est donc possible de favoriser le pouvoir d’achat des salariés sans pour autant se confondre dans le choix des prestations.

Conseil d'Expert

Je laisse néanmoins le soin à chaque CSE de déterminer l’offre qu’il souhaite proposer et à quelles fins en réalité ?

Auteur de l'article: Laurent Adriaensen

Laurent est un juriste d'entreprise en droit privé qui s'est spécialisé dans les questions qui traitent de la gestion immobilière et du droit du travail. Il a collaboré à la rédaction d'articles de veille juridique pour des agences immobilières et des entreprises avant de se fixer au sein d'un cabinet d'Avocats spécialisés dans ces domaines.