Accord de performance collective : quel est le rôle du CSE ?

Par Fabrice AllegoetLe 1 janvier 2021

D’un point de vue juridique, l’accord de performance collective (APC) est une avancée majeure en matière de droit social. Notons que ce dispositif ressort des ordonnances Macron. D’un point social, cette avancée soulève de vraies questions.

  • Le CSE a-t-il un rôle à jouer au sujet de ces accords ?
  • Le comité social et économique (CSE) peut-il exiger d’être consulté ?

Nous répondons à ces questions et à bien d’autres dans cet article.

Pourquoi l’accord de performance collective est controversé ?

Qui sont les réels gagnants de la signature de ces accords de performance collective (APC) ? À en lire les nombreux commentaires sur le web, il y a manifestement davantage d’opposants que d’adhérents à ce dispositif. À ce jour, à peine 400 accords auraient été signés. Les employeurs seraient les grands vainqueurs de ce dispositif quelque peu impopulaire du côté des défenseurs du maintien de l’emploi.

Question

L’année 2021 sera-t-elle celle des APC ou des PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) ?

D’aucuns disent que l’ouverture d’une telle négociation constitue une porte ouverte pour s’adonner au chantage à l’emploi par le truchement d’une sorte de dumping social. D’autres considèrent que cela ne changera rien. Si l’entreprise va mal, autant qu’elle déclenche un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Si au contraire, elle performe, mais qu’elle aspire à plus de croissance, négocier un APC peut sembler idéal. La négociation d’un accord de performance collective ne fait pas des émules. Ce thème divise parce qu’il touche en réalité à la protection des contrats de travail, des CDI en particulier. Il remet en cause pour ses détracteurs, l’équilibre des forces. Pour leurs défenseurs, c’est une chance de maintenir des emplois menacés en concédant des efforts a minima.

À chacun finalement de se forger sa propre opinion sur le sujet.

Qu’est-ce qu’un accord de performance collective ?

L’article L2254-2 du Code du travail précise ce qui relève de l’accord de performance collective. Cela étant dit, ce qu’il faut en comprendre est assez simple. Cet accord se négocie soit pour favoriser le maintien dans l’emploi soit pour le développer. On parle alors d’accord défensif ou offensif. Dans le premier cas, il s’agit d’éviter des suppressions de poste, dans l’autre, de créer des opportunités grâce à de la flexibilité.

Dans les deux situations, cet accord permettrait de répondre aux contraintes qui pèsent sur le fonctionnement de l’entreprise.

Quel est le rôle du CSE à propos de l’accord de performance collective ?

De nos jours, l’employeur ne consulte plus les CSE pour la conclusion d’un accord d’entreprise. En effet, l’accord collectif du travail est du seul ressort des organisations syndicales. Toutefois, le CSE peut adjoindre l’aide d’un expert-comptable aux partenaires sociaux. Cette particularité lui permet de s’associer aux efforts que les négociateurs notamment du côté des syndicats représentatifs doivent mobiliser. Des membres du CSE peuvent également faire partie de la délégation syndicale. Outre le délégué syndical (DS), celle-ci peut en effet comprendre un ou deux autres négociateurs. C’est à l’ouverture des négociations que cela ne détermine à l’instar du nombre de réunions et du calendrier.

Bien que le CSE ne soit pas consulté sur l’accord lui-même, il l’est en revanche pour tout projet important modifiant les conditions de travail.

Par conséquent, l’employeur doit consulter le CSE dès lors qu’il s’apprête à prendre des décisions en ce sens. C’est une manière moins directe de l’impliquer dans ce processus de transformation de l’emploi et des conditions de travail.

Rappel de l'auteur

À cette occasion, le CSE peut aussi se faire assister d’un expert. Une option qu’il convient de ne pas négliger.

Quel est le contenu d’un accord de performance collective ?

La négociation d’un APC repose sur trois thèmes de négociation définis par la loi à savoir :

  • durée du travail et aménagement du temps de travail ;
  • rémunération fixe et variable ;
  • mobilité géographique et professionnelle des salariés.

Durée du travail

L’accord peut augmenter la durée sans compensation financière. Par exemple les salariés travaillent 38 heures pour le salaire d’un salarié aux 35 heures. De cette manière, l’entreprise peut miser sur plus de productivité tout en abaissant ses charges salariales. Cela peut lui redonner une bouffée d’air pour revitaliser sa compétitivité et sa rentabilité immédiate.

Aménagement du temps de travail

Les employeurs peuvent revoir les termes de l’organisation du travail. Cela peut par exemple s’inscrire dans la volonté de revoir l’annualisation du temps de travail. Il peut aussi s’agir de redéfinir le recours aux forfaits.

Les rémunérations des salariés

Le projet d’accord peut prévoir un dispositif d’abaissement des salaires fixes. Cette mesure ne peut définir un salaire en deçà du SMIC ou des salaires minima prévus dans la convention collective. La baisse de la rémunération peut impliquer la suppression de primes comme celle du 13e mois.

Mobilité professionnelle et géographique

Pour favoriser le déploiement du personnel sur les établissements de l’entreprise, l’accord peut prévoir de nouveaux termes à propos de la mobilité. C’est une mesure normalement provisoire, il ne s’agit pas d’un reclassement à proprement parler.

Comment se négocie un accord de performance collective ?

Toute négociation d’entreprise s’ouvre prioritairement avec des syndicats représentatifs. Si un syndicat est majoritaire, il peut signer seul un tel accord. Dans le cas contraire, il faut réunir au moins 30 % des voix issues du 1er tour des élections professionnelles pour prétexter signer cet accord. L’employeur devra nécessairement le compléter faute de majorité syndicale, par un référendum approuvé à la majorité des salariés.

Si l’entreprise compte un CSE

À défaut, c’est-à-dire en l’absence de délégués syndicaux, l’employeur peut malgré tout ouvrir une telle négociation. Il devra cependant réunir plusieurs conditions. Un élu du CSE sera mandaté le cas échéant par une organisation syndicale. La négociation peut s’envisager néanmoins avec un élu non mandaté à défaut. Dans tous les cas, la consultation des salariés s’impose dans les mêmes termes que ce qui précède.

Que peuvent attendre les salariés de ces APC ?

Si un accord de performance collective est valide, il s’impose à tous les salariés dont il est question dans l’accord. Cela induit qu’il remettra en cause les dispositions plus favorables de leur contrat de travail. Ainsi, le lieu de travail du travail peut s’en trouver affecter tout comme le salaire ou le temps de travail effectif.

Cas du salarié qui adhère à l’application de l’APC

La modification de son contrat de travail est automatique dès que le salarié adhère à l’accord. Pour cela, le salarié dispose d’un délai de réflexion de 1 mois après information de l’employeur. Le défaut de réponse dans ce délai vaut acceptation tacite. Les mesures s’appliquent durant toute la durée de vie de l’accord de performance collective. L’intérêt d’un tel accord, c’est qu’il permet de retrouver la plénitude de ses droits antérieurs à l’issue de son effectivité. Cette réversibilité des mesures est une garantie nécessaire pour les salariés. C’est aussi en quelque sorte, la clé du succès d’un tel accord.

Cas du salarié qui rejette toute adhésion à l’APC

Un salarié qui refuse l’opposabilité de l’accord de performance collective prend le risque d’être licencié. En effet, bien que l’employeur n’y soit pas tenu, on voit mal, l’intérêt pour lui qu’il en soit autrement. Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’un motif économique de licenciement, mais d’un motif spécifique. Il repose sur les règles de licenciement de la cause réelle et sérieuse. La procédure de licenciement est donc la même que celle qui s’impose en cas de motif personnel.

Seule consolation, l’employeur devra verser un abondement de 3 000 € au titre du CPF au salarié.

L’APC est-il une alternative au PSE et aux licenciements économiques ?

Pour conclure, la négociation d’entreprise portant sur un APC peut se justifier par un besoin de relance économique. Il n’est nul besoin de justifier de difficultés en la matière. L’accord peut remettre en cause la durée du travail (augmentation ou réduction du temps de travail). Il en est de même de la rémunération et la mobilité. Toutes les entreprises peuvent négocier un tel accord des TPE comme des PME. L’employeur peut licencier un salarié refusant l’application de l’accord le concernant.

Question

Alors, est-ce une manière de couper court aux licenciements économiques ?

Ce n’est pas certain. En effet, il n’y a aucune garantie en la matière dans la plupart des accords signés. Notons que la validité d’un APC n’est pas conditionnée à l’absence d’ouverture d’un PSE durant sa période d’application.

On peut le regretter d’autant que dans les faits, l’APC est présenté comme une telle alternative.

Auteur de l'article: Fabrice Allegoet

Fabrice ALLEGOET est un formateur confirmé et certifié en droit social qui s'est spécialisé dans différentes matières (santé et sécurité au travail, RSE et développement durable, management et communication en entreprise). Il est l'animateur des Podcasts "Le CSE En Clair" et "Le Droit de Savoir by CÉOS".