Faire face à un accident du travail

Par Adrien KrasLe 26 février 2017

Se bruler la langue lors de la pause-café, s’étrangler avec un os de poulet à la cantine… Le monde du travail peut à tout moment se révéler un milieu hostile et personne n’est à l’abri d’un drame.

Cet article vous servira de kit de survie quand viendra le moment de faire face à un accident du travail.    

Qu’est-ce qu’un accident du travail ?

Tout accident survenant à l’occasion du travail est en principe un accident du travail (article L411-1 du code de la sécurité sociale). À partir de cette définition légale, la jurisprudence a dégagé des critères permettant de le caractériser de façon plus précise. Il doit donc s’agir d’un évènement accidentel survenu à l’occasion ou par le fait du travail et ayant causé une lésion. La lésion peut être tant physique que psychologique, dès lors qu’elle fait l’objet d’un constat médical. Il peut s’agir, par exemple d’une dépression brutale (Cass. Civ. 19 septembre 2013 n°12-22.295). En revanche, seule la survenance d’un fait soudain permet de retenir la qualification d’accident.

Jurisprudence

Ainsi, un choc émotionnel intervenu au terme d’une lente dégradation de l’environnement de travail n’est pas considéré comme un accident du travail (Cass. Civ. 18 juin 2015 n°14-17.691).

Pour présenter un lien avec le travail, l’accident doit en principe survenir au temps et au lieu de travail. Ces notions sont interprétées de façon extensive. Ainsi, le lieu de travail couvre tant les locaux de l’entreprise que leurs dépendances (cantine, parking du personnel…). Le temps de travail englobe les heures de travail proprement dites, mais également le temps de présence justifié par l’activité professionnelle du salarié (déjeuner, pause…). En tout état de cause, le lien avec le travail ne sera caractérisé que si le salarié se trouve sous le contrôle de l’employeur au moment de l’accident. Ce n’est pas le cas lorsque le salarié est occupé à une activité étrangère à ces attributions. Le salarié heurté par un chariot alors qu’il réparait son scooter dans l’atelier pendant son temps de travail ne peut donc se prévaloir d’un accident du travail (Cass. Civ. 3 avril 2003 n°01-20.974)

Par ailleurs, il y a lieu de distinguer l’accident du travail au sens strict de l’accident de trajet entre le lieu de travail et le domicile ou lieu de restauration habituel du salarié.

S’il est indemnisé de la même manière par la sécurité sociale, il ne donne pas droit à protection contre le licenciement (voir ci-après).

Pourquoi déclarer votre accident du travail ?

Vous avez tout intérêt à déclarer votre accident du travail. La sécurité sociale assure en effet une large prise en charge des conséquences de l’accident jusqu’à consolidation de l’état de santé, voire au-delà en cas de rechute. Cette indemnisation forfaitaire peut être majorée en cas de faute inexcusable de l’employeur (article L452-1). En outre, pendant la période de suspension de votre contrat pour cause d’arrêt maladie, vous bénéficierez d’une protection spéciale contre le licenciement. Votre employeur ne pourra vous licencier qu’à condition de justifier d’une faute grave ou d’une impossibilité de poursuivre le contrat pour un motif étranger à votre état de santé (article L1226-9 du code du travail).

Enfin, en cas de licenciement ultérieur pour inaptitude physique consécutive à l’accident, vous aurez doit à une indemnité spéciale de licenciement. Cette indemnité sera due quelle que soit votre ancienneté et est égale au double de l’indemnité de licenciement prévue par la loi ou la convention collective si celle-ci le prévoit (article L1226-14).

Quelles sont les formalités à effectuer  lors d'un accident du travail ?

Sauf raison légitime, vous disposez de 24 heures à compter de la survenance de l’accident pour en informer votre employeur. Cette déclaration peut être faite oralement. Toutefois, pour des raisons de preuve, nous vous conseillons de procéder par lettre recommandée avec accusé de réception (articles L441-1 et R441-2 du code de la sécurité sociale). Il s’agit ensuite de faire constater vos lésions par un professionnel de santé. Ce dernier établit un certificat médical spécifique renseignant sur les conséquences médicales de l’incident et la durée de l’incapacité de travail envisagée (article L441-6).

Votre employeur est alors obligé de déclarer l’accident dans les 48 heures à la caisse primaire d’assurance maladie.

Il peut accompagner cette déclaration de réserves sur la réalité de l’accident ou son lien avec le travail. Attention : si votre employeur refuse de procéder à cette déclaration, vous conservez la possibilité de l’effectuer vous-même dans le délai de deux ans (article L441-2 et R441-3). Certaines entreprises rechignent en effet à procéder aux déclarations d’accidents du travail qui les exposent à un risque d’augmentation de leur cotisation spécifique. L’employeur doit également vous remettre une feuille d’accident. À défaut, cette feuille peut être remise par la CPAM elle-même (articles L441-5 et R441-8). En cas d’arrêt de travail, l’employeur doit également remettre à la caisse une attestation de salaire (article R441-4).  Ces documents serviront à votre indemnisation.

L’instruction de votre accident du travail par la CPAM

La CPAM instruit ensuite le dossier pour reconnaître ou non l’accident du travail (article L441-3). Sachez que vous bénéficiez d’une présomption d’imputabilité de l’accident au travail dès lors que vous justifiez de la réalité de celui-ci et de son lien avec le travail (Cass. Soc 8 juillet 1985 n°84-11.124). Cette preuve est totalement libre : témoignages, photos, certificats médicaux… Il est donc conseillé de construire un dossier contenant le plus d’éléments possibles. Pour renverser cette présomption, la CPAM ou l’employeur devront apporter la preuve contraire. La CPAM peut envoyer à l’accidenté et à son employeur un questionnaire sur les circonstances de l’accident. Cela n’est pas obligatoire, sauf en cas de réserve émise par l’employeur. Une enquête est en revanche obligatoire en cas de décès de la victime. En tout état de cause, employeur et salarié peuvent à tout moment faire part de leurs observations à la caisse (articles R441-11 et R441-12).  La CPAM peut également faire procéder à un examen médical de l’accidenté par l’un de ses médecins-conseils.

En cas de désaccord avec le médecin traitant, il sera procédé à une expertise (article R442-1).

Une fois son instruction terminée, la CPAM vous informe, ainsi que votre employeur, des éléments retenus et de la possibilité de consulter le dossier. Le dossier peut également vous être communiqué sur demande.

La décision de la CPAM

La CPAM doit rendre sa décision dans les 30 jours à compter de la réception de la déclaration. Ce délai est reporté à 2 mois en cas de nécessité d’investigations complémentaires, après information des intéressés. À défaut de réponse, on considère que l’accident du travail est reconnu de façon implicite (articles R441-10 et R441-14). Cette décision doit être motivée. Il s’agit soit d’un rejet de la demande, soit d’une décision de prise en charge. Dans ce dernier cas, le bénéfice de cette prise en charge est acquis, même en cas de contestation par l’employeur (Cass. Civ. 19 février 2009 n°08-10.544). En cas de refus de prise en charge, il vous est possible de contester cette décision devant commission de recours amiable de la CPAM (CRA). Celle-ci doit être saisie dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision.

Conseil d'Expert

Nous vous conseillons, pour des raisons de preuve, de procéder par lettre recommandée avec avis de réception.

Auteur de l'article: Adrien Kras

Titulaire d’un Master 2 en Droit et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, Adrien KRAS a prêté sa collaboration au sein de divers cabinets au service d’une clientèle de particuliers et d’entreprises de toutes tailles. Spécialisé en droit social, il exerce actuellement en qualité de juriste conseil au sein d’une organisation professionnelle.